Austérité

Les vieilles recettes de François Fillon sont inefficaces contre le chômage

Austérité

par Guy Démarest, Michel Montigné

Si les candidats à la primaire de droite étaient d’accord sur l’essentiel en matière de réforme du marché du travail, c’est finalement le projet le plus ultra-libéral qui l’a emporté. François Fillon promet encore plus de baisses de cotisations patronales, une hausse de la durée du travail, et moins de protection pour les travailleurs. Les mêmes fausses solutions utilisées depuis vingt ans qui n’ont jamais fonctionné contre le chômage, dénoncent les économistes Michel Montigné et Guy Démarest, membres du Collectif Roosevelt.

François Fillon, vainqueur de la primaire de la droite et du centre, est porteur d’un projet économique résolument néolibéral : son programme pour lutter contre le chômage vise, encore et toujours, à baisser les cotisations patronales et les droits des travailleurs. Des outils qui n’ont pourtant jamais fonctionné.

Pour François Fillon, le chômage a deux causes : les Français ne travailleraient pas assez et le coût du travail serait trop élevé en France. En réalité, si la durée du travail des temps pleins est certes inférieure en France à celles de nos principaux voisins, la prise en compte des temps partiels aboutit à une durée moyenne de travail équivalente, entre 35 et 36 heures hebdomadaires, aussi bien en France qu’en Allemagne et au Royaume-Uni, selon les chiffres d’Eurostat. L’argument du coût du travail n’a pas plus de fond. Le coût du travail français est en phase avec une productivité du travail parmi les plus fortes en Europe, supérieure à celles de l’Allemagne et du Royaume Uni.

Réduire les impôts et cotisations des entreprises, supprimer des postes

Les solutions proposées par François Fillon sont tout aussi rétrogrades que ses analyses des causes du chômage. Le candidat de la droite promet de réduire le chômage de moitié, grâce à… une nouvelle réduction des cotisations et impôts des entreprises (de 50 milliards d’euros) qui serait financée par une hausse de la TVA et des économies sur la protection sociale et les services publics ; la suppression de 500 000 emplois publics compensée par un retour aux 39 heures sans augmentation proportionnelle des rémunérations ; la suppression de la durée légale du travail et une incitation des employeurs à augmenter les durées réelles ; et la généralisation de la primauté donnée à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, l’accord interprofessionnel et le code du travail. François Fillon compte aussi « améliorer le dialogue social » en réduisant la représentation du personnel, permettre le recrutement des travailleurs indépendants sans possibilité de requalification en contrat de travail, et « valoriser le travail » en diminuant le montant des aides sociales.

Il s’agit donc, pour l’essentiel, de poursuivre et amplifier des politiques qui, jusqu’ici, ont démontré leur inefficacité. Les « baisses de charges » qui se sont accumulées depuis plus de vingt ans ont été extrêmement coûteuses : 20 milliards par an pour le dispositif dit Fillon, que le candidat de la droite avait mis en place alors qu’il était Premier ministre, en 2011, auxquels il faut ajouter les 24 milliards du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du pacte de responsabilité en 2015.

Augmenter le temps de travail va accroître le chômage, pas le réduire !

Pour quels effets sur l’emploi ? Les plus chauds partisans des allégements de cotisations affirment, sans que cela repose sur une estimation sérieuse, que le dispositif Fillon a permis de créer ou sauvegarder 800 000 emplois. Leur hypothèse optimiste révèle en fait un coût par emploi (40 000 euros bruts) supérieur à celui des lois Aubry de réduction du temps de travail (30 000 euros bruts, mais 8 000 euros nets compte tenu des économies et recettes dues aux créations d’emplois) [1].

Quant aux effets du CICE, le rapport publié par France Stratégie estime qu’il a créé ou sauvegardé entre 50 000 et 100 000 emplois pour les années 2013 et 2014, au cours desquelles il a respectivement coûté 11 puis 17 milliards d’euros. Le coût par emploi créé ou conservé est ici exorbitant : pour 2014, entre 14 000 et 28 000 euros par mois versés à l’entreprise pour l’embauche d’un salarié, qui lui coûte en fait bien moins !

« Travailler moins pour travailler tous »

Il n’y a pas de raison que les 50 milliards d’euros de réduction des cotisations sociales promis par François Fillon soient plus efficaces. Les réformes du droit du travail annoncées visent également une baisse du coût du travail, en parachevant la logique de la loi El Khomri, avec une primauté donnée à la négociation d’entreprise et la hausse de la durée du travail des salariés. Le contenu de la loi Travail à venir, si François Fillon emporte la présidentielle, est donc connu. Et ses effets sont, malheureusement, tout à fait prévisibles : la durée moyenne du travail va augmenter et, comme le PIB augmentera faiblement et que les gains de productivité horaire se poursuivront, le résultat sera… une hausse du chômage.

À l’opposé de cette politique, il faut au contraire trouver de nouvelles pistes afin de « travailler moins pour travailler tous ». De nombreuses propositions sont aujourd’hui sur la table, il faut briser le tabou qui empêche d’en débattre. Les citoyens doivent s’en emparer et interpeller ceux qui sollicitent leurs suffrages.

Michel Montigné, économiste du travail, et Guy Démarest, agrégé de sciences économiques et sociales, du Collectif Roosevelt.