Tribune

Un demi-milliard d’euros pour détruire des terres agricoles : « Le monde vivant contre le monde d’avant »

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par collectif

Avignon, son pont, son festival... et son projet de contournement routier à un demi milliard ! Qui risque en plus d’aggraver la pollution de l’air et de détruire biodiversité et terres agricoles selon ses opposants.

Comme dans de nombreuses autres villes (Rouen, Strasbourg, Montpellier, Maubeuge, Arles... [1]) les habitant.e.s d’Avignon doivent affronter un projet routier d’une autre époque  : la Liaison Est Ouest (LEO). Lancée il y a plus de trente ans, cette 2x2 voies de plus de 13 km au sud de la ville comprendrait au final deux ponts sur la Durance et un troisième sur le Rhône ainsi que sept échangeurs pour la coquette somme d’un demi-milliard d’euros. Un premier tronçon a été construit en 2010 mais depuis, faute de financement, tout était à l’arrêt. Oui mais voilà, le 5 janvier 2021, Jean Castex, ancien secrétaire général de la préfecture de Vaucluse devenu Premier ministre depuis, annonce dans son discours sur le premier accord régional de relance le déblocage de 142,7 millions d’euros. Un plan de relance placé entre autres, rappelons-le, autour de la transition écologique.

Dans la foulée, et malgré les avis négatifs très sévères rendus en 2020 du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) et de l’Autorité Environnementale, une consultation publique est lancée du 10 février 2021 au 11 mars 2021, afin de faire passer le projet en force et « quoiqu’il en coûte ». Et nous voilà devant le rouleau compresseur de l’ancien monde aux portes d’un des joyaux de la Provence.

Photo de La Durance prise à l’emplacement du futur viaduc. © collectif anti-LEO

« Derrière l’écran de fumée, social et sanitaire se cache un programme de développement économique »

L’argument mis en avant par les élu.e.s locaux a de quoi séduire : il s’agirait de délester la rocade pour réduire l’exposition des riverain.e.s aux nuisances sonores et à la pollution de l’air. 500 millions pour la santé des plus précaires, une belle générosité malheureusement feinte. En lisant d’un peu plus près les documents de la consultation, on tombe noir sur blanc sur la raison, un brin plus cynique et réaliste, qui se cache derrière ce projet : « La ceinture sud d’Avignon concentre de très forts enjeux de création de logements et de développement de zones d’activités économiques » [2]. Ainsi donc derrière l’écran de fumée, social et sanitaire se cache un programme de développement économique, en complète contradiction avec les enjeux environnementaux et la Transition Écologique affichée. 

Cette stratégie d’enfumage est toutefois efficace et nombreuse sont ceux qui espèrent sincèrement qu’un tel contournement améliorerait la qualité de l’air en ville. C’est hélas sans compter sur le trafic induit et l’effet rebond si bien documentés au sujet des contournements urbains : de nouveaux usagers se retrouvent à emprunter le nouvel axe qui se retrouve embouteillé à son tour et in fine la route contournée se retrouve tout aussi engorgée qu’avant, voire plus. Après tout, la rocade elle-même était déjà une route « de contournement ». Les riverains de la Rocade vont donc se trouver coincés entre celle-ci et la LEO, dans un double nuage de gaz d’échappement. Une des façons de répondre aux souffrances des habitants de la rocade serait d’interdire cette voie aux poids lourds [3] et de les inciter, via sa gratuité, à rejoindre l’A7. Un arrêté préfectoral en ce sens coûterait infiniment moins cher qu’une nouvelle route... pour un effet cette fois avéré !

La perte de 155 espèces compensée par 4 millions d’euros

D’un point de vue écologique, la LEO, dont le tracé passe par une zone classée Natura 2000, est une vraie catastrophe : plus de 155 espèces sont menacées par le projet dont plus de 80 espèces protégées (insectes, poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux, chiroptères, mammifères). « Heureusement », cette perte serait compensée par le versement d’une obole évaluée à 4 millions d’euros, dont 3,3 millions d’euros pour le Parc naturel régional du Lubéron qui construirait, entre autres, un mur à lézard... [4] A l’heure où le gouvernement promet de respecter son objectif « zéro artificialisation nette », voilà qui sonne faux... Il reste à mentionner l’artificialisation de 30 à 50 hectares de terres agricoles, d’une qualité exceptionnelle pour le maraîchage, alors que le Grand Avignon élabore avec d’autres partenaires institutionnels un programme alimentaire territorial (PAT) pour relocaliser sa production ! 

Conscient.e.s que la consultation n’est qu’une des facettes de la mobilisations à venir, nous vous invitons tout de même à y participer en exprimant vos réserves, avant de nous rejoindre directement sur le terrain auprès des arbres et du vivant qui se défendent contre ces projets mortifères du monde d’avant !

Le collectif anti-LEO

Photo de une : mobilisation lors d’un chantier en bord de Durance, 2012. © collectif anti-LEO

Le collectif anti-LEO appelle à manifester ce samedi 27 février à 10h30 devant la Préfecture, l’État étant le principal financeur et surtout le porteur du projet. Un pique nique, concert et balade botanique sont également organisés ce samedi midi pour faire découvrir les lieux menacés. Contact : maceinture [@] protonmail.com

Notes

[1Voir à ce sujet cet article de Reporterre

[2Voir le mémoire en réponse du maître d’ouvrage à l’avis du Conseil national de la Protection de la Nature (CNPN) et l’Autorité environnementale (AE) (2020), à la page 9

[3Lire à ce sujet cet article du Monde

[4Extrait du mémoire en réponse du maître d’ouvrage à l’avis du Conseil national de la Protection de la Nature (CNPN), pages 36 à 69