Immigration

Les étrangers malades désormais entre les mains du ministère de l’Intérieur

Immigration

par Nolwenn Weiler

Depuis le 1er janvier, c’est le ministère de l’Intérieur qui évalue l’état de santé des étrangers malades, étape clé pour ceux et celles qui espèrent obtenir un « droit de séjour pour raisons médicales ». Créé il y a 20 ans en France, ce droit de séjour est accordé à toute personne dont l’« état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié » dans son pays d’origine. 6000 personnes ont pu obtenir une telle carte de séjour en 2013. Jusqu’à présent, c’était le ministère de la Santé qui fournissait aux préfectures ses conclusions sur l’état de santé du demandeur. Le fait de confier cette mission au ministère en charge de contrôler l’immigration, via les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), inquiète les associations qui accompagnent les étrangers.

« Seuls les enjeux de contrôle de l’immigration semblent désormais primer au mépris des considérations sanitaires », déplore l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE). Même son de cloche du côté du Défenseur des droits, pour qui ce transfert de la procédure médicale aux médecins de l’OFII « consacre la tendance à faire primer des considérations liées à la maîtrise de l’immigration sur celles liées à la protection de la santé » [1]. En plus de l’atteinte aux droits des personnes étrangères malades, ce changement de fonctionnement du « droit de séjour pour raisons médicales » présente des risques pour la population française. L’un des objectifs du dispositif est d’éviter que des personnes porteuses de maladies transmissibles ne restent dans la clandestinité, sans prise en charge médicale appropriée, voire sans prise en charge du tout.

Pressions des préfets sur les médecins

Les immiscions de la Place Beauvau dans les évaluations médicales ont commencé il y a plusieurs années. En 2013, le Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMIS) a estimé dans un communiqué que le secret médical était « bafoué par certains représentants de l’État dans les départements », signalant des contre-enquêtes administratives menées par les préfectures sur la situation médicale de l’étranger malade, alors que celles-ci ne sont pas censées avoir d’information sur la pathologie en cause. Un article publié le 27 novembre dernier par Médiapart signale que « de nombreuses préfectures continuent à contester les avis favorables des médecins agences régionales de santé (ARS), avec le soutien actif du médecin-conseil du ministère (de l’intérieur), Bernard Montagnon. Son intervention directe apparaît dans des procédures judiciaires suivies par les associations de défense des étrangers ».

« Depuis 2012, les refus d’admission au séjour pour soins opposés par les préfets en dépit d’un avis favorable du médecin de l’ARS augmentent », relève de son côté le Défenseur des droits. Plusieurs médecins des agences régionales de santé se sont par ailleurs plaint de pressions préfectorales auprès de leurs Conseils de l’ordre, leur intimant de réduire le nombre d’avis médicaux pouvant favoriser l’obtention de cartes de séjour. Face à ces risques importants d’atteinte aux droits des étrangers, les associations exigent du gouvernement des garanties : elles veulent s’assurer que le pilotage de l’évaluation médicale des demandes de cartes de séjour pour soins reste sous la compétence exclusive du ministère de la Santé.

Notes

[1Voir le rapport du défenseur des droits publié en mai 2016, consacré aux droits fondamentaux des étrangers en France.