Investissements productifs

Le ministère du Budget veut-il mettre en danger les coopératives ?

Investissements productifs

par Rachel Knaebel

C’est un malentendu législatif qui montre à quel point l’actuelle majorité parlementaire, et en particulier son ministre du Budget Gérald Darmanin, semble ignorante en matière d’économie coopérative. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, qui fixe les orientations du budget de l’État, les députés ont ajouté un amendement qui met en danger l’équilibre économique des Scop, ces milliers d’entreprises coopératives qui existent en France. Une Scop appartient à ses salariés et elle partage équitablement les bénéfices, entre salariés, sociétaires et investissements futurs.

Ce sont ces investissements qui sont menacés. Tous les bénéfices qui sont réinvestis dans la société coopérative – la provision pour investissement (PPI) – bénéficient d’une exonération d’impôts. Or, le 15 novembre, l’Assemblée nationale a supprimé cette exonération. La provision pour investissement permet de mettre de côté une part des bénéfices, équivalente à celle qui est redistribuée aux salariés, si cette part est réutilisée pour des investissements dans les quatre ans.

Une grande méconnaissance de l’économie coopérative de la part du ministère du Budget

« Les députés voulaient simplifier les différents dispositifs de franchises d’impôts accordés aux entreprises. En soi, la simplification et la suppression de niches fiscales, c’est évidemment une bonne idée. Mais là, ce n’est pas une niche fiscale, c’est un dispositif largement utilisé par les coopératives pour investir », défend Fatima Bellaredj, déléguée générale de la Confédération des sociétés coopératives. Selon l’organisation qui rassemble les Scop, 350 millions d’euros d’investissements productifs en France risquent ainsi « de disparaître sur les cinq prochaines années », menaçant 50 000 emplois.

La confédération générale des Scop a découvert cet amendement après son vote. Fin octobre, elle avait déjà été alertée sur un autre amendement qui visait cette fois les sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic), un autre type de société coopérative. Là aussi, ils s’agissait de lutter contre ce qui est apparu aux députés de la majorité comme une niche fiscale inutile. L’Assemblée nationale est finalement revenue sur cet amendement. Le 7 décembre, les sénateurs ont à leur tour supprimé du projet de loi de finances le passage qui voulait en finir avec la provision pour investissement des sociétés coopératives.

« Ce que révèle cette affaire, c’est une grande méconnaissance de l’économie coopérative de la part du ministère du Budget. Les informations qui ont été transmises aux parlementaires sur la provision pour investissement ne sont pas les bonnes, regrette Fatima Bellaredj. Nous avons finalement obtenu l’assurance que l’Assemblée nationale allait confirmer la suppression de cet amendement. ». La confédération des Scop reste cependant vigilante. L’Assemblée nationale doit étudier le projet de loi de finance en deuxième lecture à partir de ce lundi 17 décembre.

Photo : © Laurent Guizard

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