Austérité

La préservation de l’eau et de la biodiversité ciblées par des coupes budgétaires

Austérité

par Sophie Chapelle

L’eau, sa gestion et sa préservation, n’échappent pas à l’austérité budgétaire. Du Rhin à la Loire, de la Somme à la Garonne, les six agences de l’eau [1] vont être privées d’une partie de leurs moyens par le projet de loi de finances 2018. Le plafond des redevances qu’elles perçoivent baissera de 2,1 milliards par an entre 2019 et 2024. Soit une coupe budgétaire totale de 12,6 milliards d’euros ! « Les six agences de l’eau sont placées sous une contrainte budgétaire telle que leurs capacités d’interventions humaines et financières auprès des acteurs économiques, des collectivités locales et de la société civile sont sérieusement menacées », alertent dans un communiqué commun les syndicats des agences de l’eau (SNE-FSU, CGT, CFDT, CGC) et cinq associations de protection de la nature [2] Cette baisse ne signifie pas une diminution de ces redevances pour les usagers. Le trop perçu par les agences iront alimenter les caisses de l’État.

Les agences de l’eau sont des établissements publics du ministère chargé du développement durable, gouvernées par des élus locaux, des usagers et des représentants de l’État. Leurs missions sont vastes : investissements dans les stations d’épuration, entretien des canalisations d’eau potable, protection de la ressource et de la biodiversité, stockage en période d’étiage ou de sécheresse, lutte contre les pollutions industrielles et agricoles (notre reportage), jusqu’au au soutien à l’agriculture biologique. Pour mener à bien ces missions, leur budget est alimenté à 100 % par des redevances perçues auprès de l’ensemble des usagers de l’eau [3].

Réduction des moyens financiers et humains

« Par ricochet, les agences de l’eau œuvrent également au développement des activités tributaires de la qualité des milieux comme la baignade et les activités nautiques, la pêche et la conchyliculture » ainsi qu’à la « protection des zones humides », soulignent syndicats et associations. Ces derniers rappellent que la transition écologique, clamée par Emmanuel Macron, nécessite des moyens supplémentaires. « Ce n’est pas en asséchant les agences de l’eau que la France tiendra ses engagements dans les domaines de l’eau et de la biodiversité. »

Une ponction budgétaire de 200 millions d’euros est également prévue dans le cadre du projet de loi de finances 2018. Pour l’agence de l’Eau Artois-Picardie, cette ponction représente environ 15 % du budget, illustre Claude Deflesselle, membre du conseil d’administration de l’agence et maire de la commune de Coisy, au nord d’Amiens (Somme). « Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la baisse des dotations aux collectivités locales. Là, c’est la contribution des agences de l’eau au "redressement des finances publiques". »

Des engagements gouvernementaux intenables

Ces coupes budgétaires se traduiront aussi par des suppressions de postes. Une réduction de 200 équivalents temps plein dans les six agences de l’eau est prévue pour les quatre années à venir, sur un effectif total de 1600 agents. « L’État nous impose de réduire le nombre de postes, on doit faire des économies. Les agences paient les employés et c’est l’État qui décide, nous avons peu de pouvoir », déplore Claude Deflesselle.

Les six agences de l’eau ont déjà perdu 13 % de leurs effectifs depuis 2011, et leurs missions ne cessent de s’élargir. L’État a ainsi décidé de leur transférer le financement de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, des Parcs nationaux et de l’Agence française de biodiversité. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert a même évoqué la possibilité que les Agences de l’eau financent les aides au maintien de l’agriculture biologique dont l’État se désengage (notre article).

 Une pétition est en ligne demandant l’abandon des prélèvements sur les redevances des agences de l’eau, et la garantie de la pérennité de leurs moyens pour remplir leurs missions en faveur de la protection de l’eau et de la biodiversité.

Photo : étang de la Chasse dans le Val d’Oise / CC Rémi Bridot

Notes

[1Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Rhône-Méditerranée et Corse, Adour-Garonne.

[2Ligue de protection des oiseaux, Société nationale de protection de la nature, Humanité et Biodiversité, Société française pour l’étude et la protection des mammifères, Surfrider.

[3La loi sur l’eau de 2006 a instauré 7 types de redevances : pollution de l’eau, prélèvement sur la ressource en eau, modernisation des réseaux de collecte, stockage d’eau en période d’étiage, obstacle sur les cours d’eau, pollutions diffuses, protection du milieu aquatique.