Risques

La centrale nucléaire de Dampierre épinglée pour sa négligence en matière de sécurité

Risques

par Nolwenn Weiler

Les inspecteurs de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ont été quelque peu surpris lors d’un contrôle inopiné de la centrale de Dampierre-en-Burly (dans le Loiret, à une cinquantaine de kilomètres au sud d’Orléans), les 22 et 23 août derniers. Les inspecteurs ont d’abord dû patienter pour entrer en zone contrôlée, personne n’étant en mesure de dénicher les casques de protection adaptés. Ils ont ensuite découvert une gestion du risque incendie un brin dilettante : accès difficile à un robinet d’incendie à cause de caisses de chantiers, et « entreposage non autorisé d’un sac contenant des déchets nucléaires combustibles » dans une zone à risque, comme le révèle le Canard Enchaîné [1]

Des déchets abandonnés dans des zones à risques

Autre souci : l’absence de précautions face au risque d’introduction de corps étrangers dans la tuyauterie ou dans les cuves de refroidissement. À l’entrée du local où se trouve la piscine d’entreposage des assemblages combustibles, les inspecteurs ont par exemple constaté que l’armoire dédiée au rangement des équipements de protection était quasi-vide. La lettre que l’ASN s’est empressée d’envoyer à la direction signale aussi la présence « en quantité notable », de « sacs vinyles de déchets combustibles, de scotch, d’appareils de mesure de la contamination (...) ». Le tout dans une zone à risque élevé !

Ailleurs, les inspecteurs ont trouvé des bouteilles d’eau vides, des algues sèches et divers éléments métalliques en vrac... Ils ont également constaté la présence d’un grand sac ouvert contenant des équipements individuels de protection vraisemblablement souillés suite à des interventions sur des parties amiantées de la tuyauterie incendie. Sans oublier « la présence d’une tenue de type Mururoa déposée en vrac dans le sas d’accès à la zone orange du local R347 où est réalisé le chantier d’ouverture et de fermeture de la cuve ».

Des travailleurs sur-exposés

Autre problème relevé par l’ASN : une protection insuffisante des travailleurs face aux rayons ionisants. À Dampierre, les appareils de contrôle individuels font défauts, des protections biologiques de type matelas de plomb sont déposées à même le sol alors qu’elles sont censées recouvrir la tuyauterie attenante, et les travailleurs interviennent dans des zones exposées à des doses radioactives plus élevées que la norme maximale (650 μSv/heure alors que le maximum prévu dans ces zones est de 510 μSv/heure). Pourtant, « la sécurité des personnes intervenant sur les installations, qu’elles soient EDF ou d’entreprises extérieures, constitue une exigence constante » promet EDF. Qui jure que « les rayonnements auxquels pouvaient être exposés certains de ses salariés font l’objet d’un contrôle strict. »

La direction va-t-elle se mettre en conformité avec les diverses règles de sécurité rappelées par l’ASN ? Si l’on en croit le courrier de l’Autorité de sureté, EDF n’est pas toujours prompte à répondre à ses demandes. Les défauts de fonctionnement des déprimogènes – sorte d’aérations qui aspirent les poussières radioactives dans les locaux ou sas de travail – ont ainsi été signalés à plusieurs reprises sans que rien ne soit fait. Sollicitée par Basta!, la direction a répondu que « les défauts relevés dans le cadre de l’inspection n’ont eu aucun impact sur la sureté des installations », « que le site a corrigé immédiatement une grande partie des défauts constatés, ce qui a d’ailleurs été constaté par l’ASN dès le deuxième jour de l’inspection » et que « le site s’engage à traiter les autres points relevés par l’ASN dans le délai demandé de 2 mois ».

Depuis dix ans, la centrale nucléaire de Dampierre a connu 32 « anomalies » de sécurité, des incidents de niveau 1 sur l’échelle INES qui classe les incidents et accidents nucléaire de 0 (« écart de sécurité ») à 7 (accident majeur, comme Fukushima ou Tchernobyl). Ces incidents vont de la panne d’un générateur de secours à l’irradiation accidentelle d’un travailleur, en passant par un défaut dans l’enceinte de confinement extérieur de l’un des réacteurs.

Notes

[1Édition 31/08