Vague de froid

L’efficacité du nucléaire en cause

Vague de froid

par Ivan du Roy

Depuis le 5 janvier la France explose tous ses records de consommation électrique. La vague de froid n’explique pas tout. Le mode production d’électricité et l’équipement en radiateurs électriques peu économes favorisent l’augmentation de la consommation année après année. Le 7 janvier, à 19h, l’heure de pointe en matière d’électricité, le record s’est établi à 92.400 Mégawatts (MW). Des pointes au-dessus de 90.000 MW sont encore attendues dans les jours qui viennent. A titre de comparaison, en avril ou en octobre, le pays consomme entre 55.000 et 65.000 MW. Des records qui ne cessent d’être pulvérisés depuis 2001, malgré la prise de conscience écologique et la mise en œuvre de politiques censées réduire la pollution liée à la production d’électricité.

Face à ces pics de consommation, le Réseau de transport d’électricité (RTE), qui gère les lignes à haute tension, invite les Français « à mieux maîtriser leur consommation d’électricité, notamment au moment de ces pointes de consommation, entre 17h et 20h » pour concourir « à la lutte contre le changement climatique ». Une culpabilisation des ménages qui agace certains écologistes. « Il est aberrant de venir culpabiliser les consommateurs, otages d’un système énergétique inefficace, cher et polluant, à un moment où ils ont légitimement besoin d’énergie ! », répond Frédéric Marillier, de Greenpeace France. L’organisation environnementale pointe « la faillite » du système nucléaire et « le scandale du chauffage électrique ».

Les centrales nucléaires représentent 86,6% de la production d’EDF. Si elles fournissent la base de l’alimentation en électricité, elles sont incapables de s’adapter aux variations et aux pics journaliers. On ne met pas en route un réacteur nucléaire en quelques dizaines de minutes pour l’arrêter trois heures plus tard quand les lumières et les télévisions s’éteignent ! Les pics de consommation obligent donc EDF à recourir à ses vieilles centrales au fioul ou à importer de l’électricité d’Allemagne, produite par des centrales au charbon. Fioul et charbon sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre. « Résultat : depuis 1990, la part des énergies fossiles dans la production d’électricité française a crû de près de 25 %. Depuis cinq ans, l’Allemagne est ainsi exportatrice nette d’électricité vers la France (rapport RTE 2007) », déplore Greenpeace.

Financer l’isolation plutôt qu’un réacteur EPR

Autre coupable : le radiateur électrique. Un logement sur trois environ en est équipé, en particulier les maisons individuelles (plus grandes à chauffer) et les logements locatifs du parc privé. Encore une exception française : en Allemagne la proportion de convecteurs tombe à 5%. « Le système nucléaire, et les surcapacités électriques qu’il a engendrées, a conduit à une perversion : on a développé le chauffage électrique parce qu’EDF avait des kilowattheures à vendre », explique Frédéric Marillier. Sans oublier la hausse du prix des hydrocarbures qui incitent nombre de nouveaux propriétaires à se chauffer à l’électricité. Paradoxe : ces mêmes centrales nucléaires ne peuvent répondre rapidement à la demande lorsque dans sept millions de logements, souvent mal isolés, convecteurs et radiateurs sont poussés à fond pour cause de froid. Greenpeace s’apprête à publier une enquête sur la pollution générée par les radiateurs électriques pendant les pics de consommation. « Selon les premiers résultats de cette étude, en France, le contenu en CO2 du chauffage électrique approche les 600 g de CO2 pour tout kWh supplémentaire, contre 230 g par kWh pour le gaz, par exemple. »

L’ONG demande au gouvernement de renoncer au deuxième réacteur nucléaire EPR (réacteur pressurisé européen) qui pourrait être érigé au Tricastin (Drôme), à Marcoule (Gard) ou à Penly (Seine-Maritime). Les quatre milliards d’euros nécessaires à sa construction seraient plus utiles au financement d’isolations dans l’habitat et au développement d’énergies renouvelables.

Ivan du Roy