Consommation

Jouets pour enfants : comment éviter les cadeaux toxiques

Consommation

par Ivan du Roy

Noël, ses lumières, son cortège de cadeaux… et de molécules chimiques plus « fun » les unes que les autres, surtout quand elles entrent dans la composition des jouets pour enfants. Quelques sites Internet permettent d’évaluer le degré de toxicité de tel ou tel ingrédient. Exemple pratique : comment des crayons de couleur pour le bain, en apparence inoffensifs, se révèlent contenir un cocktail de molécules pas vraiment rassurant.

Photos : droits réservés

« Des crayons de couleur pour passer un bon moment dans le bain » : c’est la promesse qu’affiche l’étiquette de ces « soap crayons » - littéralement crayons savons - destinés aux enfants à partir de 3 ans. Des crayons pour colorier baignoires et carrelages de salle de bain, que l’on peut nettoyer d’un coup d’éponge. Un petit cadeau sympa en perspective des fêtes. « Non, ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de produits chimiques », assure la vendeuse d’un magasin de jouets parisien. Une dizaine d’ingrédients composent ces gros crayons « made in China » : des sels issus de l’huile de palme et de cocotiers, une forme d’argile, de la cire d’abeille, de l’ « hydrogenated castor oil » (huile de ricin) [1]… Bref, rien de bien méchant, tous ces ingrédients figurant régulièrement dans les produits cosmétiques estampillés bio. Mais les trois derniers composants laissent sceptiques : les mystérieux « triclocarban », « BHT » et « dioxyde de titane ».

Et là, surprise ! En consultant divers sites Internet, dont l’Observatoire des cosmétiques, créé par deux journalistes, ou la base de données sur les produits cosmétiques (en Anglais) de la puissante association états-unienne EWG (Environmental Working Group), on découvre que nos enfants, tout en barbotant innocemment, manipulent un inquiétant cocktail de molécules, potentiellement dangereux pour eux-même, pour les salariés qui fabriquent ces jouets et pour l’environnement.

Irritant, allergène...

Le triclocarban d’abord, ou triclosan. « Ces deux substances seraient de nature à perturber le développement de la faune et de la flore, particulièrement en milieu aquatique », prévient l’Observatoire des cosmétiques. Le bain est donc bien le milieu idéal pour jouer avec ! Irritant pour les yeux, il est suspecté d’être un perturbateur endocrinien (qui agit sur les hormones). Le Comité scientifique européen des produits de consommation (SCCP) estime, dans un avis publié le 21 janvier 2009, que l’utilisation régulière de tricoslan aux doses actuellement permises (0,3%) dans tous les produits cosmétiques ne garantit pas la sécurité du consommateur.

Le BHT ensuite, dont le véritable nom est « hydroxytoluène butylé », est une substance « irritante pour les yeux et la peau », décrit la fiche internationale de sécurité chimique (mise en place par plusieurs agences de l’Onu) de la molécule. « Un contact répété ou prolongé avec la peau peut causer une dermatite. La substance peut avoir des effets sur le foie. » Là encore, tout est question de dosage, mais avouez que multiplier ce type de molécules, diluées dans l’eau de surcroît, et à chaque bain, n’invite pas vraiment à la sérénité.

... Et cancérigène

Enfin, terminons par le meilleur, ou plutôt le pire : le dioxyde de titane. Avec ou sans nanotechnologie, il est utilisé dans la peinture, le plastique, le papier, l’encre, les aliments, les dentifrices, les écrans solaires et certains produits cosmétiques. Le Centre international de recherche sur le cancer (IARC), qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe le dioxyde de titane comme une substance « susceptible d’être cancérogène pour l’humain ». Selon la base de donnée de EWG, c’est également un allergène qui peut être impliqué dans des maladies cardio-vasculaires et des problèmes respiratoires. « Hormis leur cancérogénicité possible pour l’homme, les poussières de dioxyde de titane peuvent causer l’irritation mécanique des yeux et des voies respiratoires », confirme en Francel’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) qui ajoute, prudent : « Il importe toutefois de noter que les études effectuées chez l’humain à ce jour n’évoquent pas de lien entre l’exposition professionnelle au dioxyde de titane et l’augmentation du risque de cancer. » De son côté, le Centre canadien d’hygiène et de sécurité du travail considère clairement ce produit comme « cancérogène » et « conseille aux fabricants et aux fournisseurs de dioxyde de titane de réviser et de mettre à jour, dès que possible, leurs fiches signalétiques et étiquettes de produit à la lumière de ces nouveaux renseignements. »

Alors, vous avez toujours envie d’offrir ces « soap crayons » vraiment trop « fun » à vos enfants, neveux, filleuls ou petits cousins ? Ce jouet est malheureusement loin d’être une exception. Selon le magazine 60 millions de consommateurs, les jouets sont truffés de produits toxiques : métaux lourds dans le maquillage ou phtalates dans ceux en plastique. « Autre enseignement de cette étude : les jouets en bois, souvent vendus pour leur côté écolo, contiennent très souvent du formaldéhyde à de fortes concentrations ou des métaux lourds », indique la rédaction du magazine qui a détecté 30 jouets toxiques sur les 66 testés.

Problèmes : combien de consommateurs auront le réflexe et le temps de rechercher ce qui se cache derrière ces noms barbares de produits chimiques ? Combien de vendeurs de jouets feront de même (sans prétendre le contraire par ignorance ou cupidité), quitte à bannir certains produits de leurs rayons ? Et combien de temps encore les autorités sanitaires françaises et européennes autoriseront la présence de ce type d’ingrédients dans des jouets pour enfants ?

Ivan du Roy

Notes

[1Merci à la remarque d’un lecteur, qui nous a fait corriger une petite bêtise et un gros anglicisme