Résistance non-violente

JeSuisCharlie : 100 000 personnes manifestent spontanément pour soutenir la liberté de la presse

Résistance non-violente

par Eros Sana, Ivan du Roy

Plus de 100 000 personnes ont manifesté leur solidarité à Charlie-Hebdo et leur attachement aux libertés dans toute la France, ainsi que dans de nombreux pays. Mais déjà, l’extrême droite tente de récupérer la tragédie.

100 000 personnes se sont spontanément rassemblées dans toute la France, dont 40 000 à Paris, pour manifester leur recueillement, leur solidarité et leur soutien à la liberté d’expression et de la presse, le 7 janvier au soir. Six heures plus tôt, la rédaction de Charlie Hebdo était la cible d’une attaque commando. Douze personnes ont été exécutées en pleine conférence de rédaction : huit membres de la rédaction – les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, le journaliste économiste Bernard Maris, la chroniqueuse Elsa Cayat, le secrétaire de rédaction Mustapha Ourrad –, un invité de la rédaction, Michel Renaud, un policier en charge de la protection de la rédaction, Franck Brinsolaro, un agent d’entretien de la Sodexo, Frédéric Boisseau. Après l’attaque, le commando a également abattu un policier, Ahmed Merabet, qui patrouillait dans la zone et a croisé la route des assaillants.

Alors que des dizaines de milliers de citoyens et citoyennes, d’organisations du mouvement social et syndical, se rassemblaient pacifiquement en soutien à l’hebdomadaire satirique de gauche, l’extrême droite commençait sa récupération politique et nauséabonde de la tragédie. Le FN réclame notamment un référendum sur le rétablissement de la peine de mort. Cette récupération dépasse les frontières nationales. Le Premier ministre grec Antonis Samaras a établi un parallèle entre le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo et l’immigration illégale et s’en est violemment pris au mouvement de gauche Syriza, en tête des intentions de vote pour les prochaines élections législatives du 25 janvier, l’accusant de vouloir « accorder massivement la nationalité, l’accès aux soins et à la couverture sociale à tous les immigrés illégaux » (lire l’article de Politis). En France, quelques incidents anti-musulmans se sont déjà produits : coups de feu ou jets de pierre contre des salles de prière dans l’Aude et dans le Vaucluse, actes de vandalisme visant une famille musulmane dans le Vaucluse…

« J’ai le sentiment que la démocratie est ébranlée », confie la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Christine Lazerges, lors de la soirée en mémoire des victimes, en défense de la liberté et contre la haine, organisée par Mediapart, réunissant de nombreux journalistes, dont la rédaction de Basta! (vous pouvez la revivre en regardant l’émission). Elle s’inquiète également d’une « montée de l’islamophobie ». Jean-Pierre Dubois, Président de la Ligue des droits de l’Homme, appelle lui à ne pas sombrer dans « le piège », dans lequel « nos pays sont assez largement tombés » après le 11 septembre 2001. « Ce que veulent ces gens, c’est tuer pour faire reculer les libertés, intimider les journalistes et les citoyens. » Des libertés qui ont été symboliquement défendues dans la soirée du 7 janvier par des dizaines de milliers de citoyens, bien loin des tentatives de récupérations de l’extrême droite. Cela durera-t-il, après cette période de deuil national ?

Ivan du Roy

Photos : Eros Sana / Basta!