Pesticides

Interdiction du glyphosate : après le Sri Lanka, le Vietnam montre la voie

Pesticides

par Sophie Chapelle

Après le Sri Lanka, qui est le premier pays à avoir interdit le glyphosate en 2015, c’est au tour du Vietnam de bannir cette molécule de son territoire. Le 27 mars, le pays a annoncé qu’il interdisait l’importation d’herbicides contenant du glyphosate. La décision du Vietnam intervient suite au verdict d’un jury fédéral californien, rendu le 18 mars, estimant que le plaignant, Edwin Hardeman, avait su démontrer « par la prépondérance de la preuve » que son exposition au Roundup était « un facteur substantiel » de son cancer, un lymphome non hodgkinien.

« Dès que nous avons entendu ce second verdict selon lequel le glyphosate est lié au cancer, nous avons publié un document interdisant l’importation de nouveaux herbicides contenant l’ingrédient actif », a déclaré Hoang Trung, le chef du département de la protection des végétaux, rattaché au ministère de l’Agriculture et du Développement rural du Vietnam. Cette interdiction ne concernerait toutefois que les nouvelles commandes, les envois sous contrats déjà signés pouvant toujours être importés. « Le glyphosate sera également inscrit sur la liste des substances interdites au Vietnam dans un proche avenir. (...) Le tribunal fédéral de San Francisco fournira les preuves nécessaires au Vietnam pour accélérer ce processus », a-t-il précisé. Le ministère a également demandé aux entreprises, aux organisations et aux particuliers de signaler la production, la vente ou le stockage d’herbicides à base de glyphosate.

 A relire : Fin 2017, l’Union européenne a renouvelé pour cinq ans la licence du glyphosate

Le traumatisme de l’agent Orange

Cette décision du gouvernement vietnamien concernant le glyphosate est inextricablement liée aux conséquences dramatiques générées par l’agent Orange, dont Monsanto est l’un des fabricants. Ce défoliant chimique ultra-puissant contenant de la dioxine a été utilisé par l’armée américaine de 1961 à 1971 pour détruire à grande échelle la jungle vietnamienne, afin de faciliter la progression de ses troupes et de débusquer les combattants vietnamiens. Durant cette période, 80 millions de litres d’herbicides ont été pulvérisés sur 2,63 millions d’hectares de terres dans le sud du Vietnam, dont 60 % d’agent Orange, selon le ministère de la Défense du pays.

L’association vietnamienne des victimes de l’agent Orange dénombre plus de trois millions de Vietnamiens encore affectés aujourd’hui. Le Vietnam a demandé à plusieurs reprises à Monsanto et à d’autres entreprises américaines d’indemniser les victimes. En 2017, le gouvernement vietnamien a aussi annoncé l’interdiction du paraquat de Syngenta, un pesticide extrêmement dangereux, et de l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (2,4-D) de Dow Chemicals, un composé organique présent dans l’agent Orange utilisé pendant la guerre du Vietnam.

Plus de 11 000 procès en attente aux États-Unis

Lors du procès opposant Edwin Hardeman à Monsanto, racheté par l’allemand Bayer à l’été 2018, le jury a également condamné la multinationale à verser 80,3 millions de dollars (71,5 millions d’euros) de dommages et intérêts à la victime. En août 2018, un jury californien avait déjà condamné le groupe à verser 289 millions de dollars de dommages et intérêts à Dewayne Johnson, un jardinier atteint d’un lymphome non hodgkinien qu’il attribue au Roundup. Si la peine a été ramenée à 78 millions de dollars en appel, le jugement a été maintenu sur le fond.

Bayer a immédiatement annoncé son intention de faire appel du jugement de l’affaire Hardeman et continue de défendre ardemment le glyphosate. Dans un communiqué du 9 avril, Bayer dit être « convaincu que le glyphosate est un produit sûr et continuera de défendre avec énergie ses produits qui en contiennent ». « L’entreprise continuera de fournir des informations issues du corpus de science robuste qui confirme que le glyphosate et les produits à base de glyphosate sont sans risque lorsqu’ils sont utilisés dans les conditions d’emploi définies dans le cadre de leur autorisation de mise sur le marché, et que le glyphosate ne cause pas de cancer [1]. » Selon le Wall Street Journal, Bayer fait face aux poursuites de 11 200 agriculteurs, jardiniers et autres utilisateurs du Roundup. La multinationale fait pour le moment le choix de dissimuler le risque, en annonçant avoir provisionné 660 millions d’euros dans son bilan pour les risques judiciaires.

Mise à jour : Le ministère de l’agriculture et du développement rural vietnamien a annoncé, le 10 avril 2019, le retrait du glyphosate de la liste de produits autorisés dans le pays.

Sophie Chapelle

Photo de une : © Global Justice Now

Notes

[1Bayer vient de publier sur son site 107 rapports d’études sur la sécurité du glyphosate qui ont été soumis à l’EFSA (Agence européenne de la sécurité des aliments) dans le cadre de la procédure d’autorisation de la substance dans l’Union Européenne