Santé publique

Grève dans les maisons de retraite, situation « explosive » à l’hôpital

Santé publique

par Nolwenn Weiler

Les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) sont en grève ce 30 janvier, à l’appel de plusieurs organisations syndicales. Les grévistes demandent l’abrogation d’une nouvelle réforme des tarifs, qui va se traduire par des suppressions massives de postes, et demandent aussi le maintien des emplois aidés. Soutenus par les directeurs d’établissements, et même par les résidents, les agents travaillant en maison de retraite demandent que le taux de personnel soit un peu plus élevé, pour arriver à un ratio de huit à dix temps-pleins pour dix résidents – ce ratio est actuellement à peine à six.

Concrètement, cela permettrait au quotidien que dix personnes âgées résidentes puissent être suivies par trois à quatre employés. Aujourd’hui, seuls deux salariés sont présents pour dix personnes âgées. La situation est si tendue que, dans certains établissements, une aide soignante peut se retrouver seule pour s’occuper de plus de 15 résidents et une infirmière seule aussi pour répondre à... 99 résidents, comme le rapporte un témoignage publié par Libération !

La situation, que les syndicats jugent « explosive » dans les Ehpad, préoccupe au-delà de la communauté des travailleurs du secteur. Une pétition lancée par les urgentistes Patrick Pelloux, Christophe Prudhomme et l’interne en médecine Sabrina Ali Benali « pour la dignité des personnes âgées et le respect des soignants », a ainsi été signée par plus de 400 000 personnes en quelques jours. « Les établissements accueillant des personnes âgées (EHPAD) et les services d’aide à domicile rencontrent de graves difficultés mettant en jeu la santé des résidents et des personnels soignants », disent-ils, s’inquiétant de « l’insuffisance des effectifs et des moyens ».

Lire notre reportage Dans les maisons de retraite, manque de moyens et conditions de travail dégradées rendent la situation « explosive ».

« Nouvelle cure de rigueur budgétaire »

Un autre texte publié par le quotidien Libération tire la sonnette d’alarme sur la dégradation des soins qui menace l’hôpital public. Rédigé par les professeurs André Grimaldi, Jean-Paul Vernant et le docteur Anne Gervais, et signé par 1000 médecins cette tribune s’inquiète de la « nouvelle cure de rigueur budgétaire » imposée aux hôpitaux pour 2018. « Avec 1,6 milliard d’euros d’économies à réaliser, le budget des hôpitaux n’augmentera que de 2%, soit moitié moins que leurs charges, rappellent les signataires. Ce "toujours plus avec toujours moins" entraîne une dégradation des conditions de travail, provoquant épuisement et démotivation des soignants et en conséquence, une baisse de la qualité des soins. »

Cette obligation du « toujours plus de travail avec de moins en moins de moyens » s’est invitée à l’hôpital au début des années 2000 avec la mise en place de la tarification à l’activité, ou T2A. Depuis, chaque établissement est financé en fonction de sa production d’actes de soins et de sa rentabilité. Il faut donc produire un nombre d’actes de soins suffisant, et diminuer les coûts, le personnel étant la première variable d’ajustement. Dans un contexte où, à la différence des cliniques privées, l’hôpital public accueille l’ensemble des patients, quel que soit leur état de santé.

Lire notre enquête : Soumis à l’austérité budgétaire et au management néolibéral, l’hôpital est au bord du burn-out.

Deux intersyndicales de praticiens hospitaliers (Avenir hospitalier et CPH) ont par ailleurs rédigé un communiqué, estimant que la situation de l’hôpital public devenait de plus en plus explosive elle-aussi. « La souffrance au travail est devenue un lieu commun à l’hôpital public, en 10 ans. Les causes en sont hélas bien connues désormais, mais rien ne change. La tarification à l’activité, les pressions incessantes pour gagner des parts de marché et obtenir une rentabilité illusoire pour un service public, l’absence de remise en question des pouvoirs et de ce fait l’absence de démocratie intra-hospitalière, notamment de représentation syndicale médicale locale institutionnelle, un management inadapté, la perte du sens du travail, ont engagé l’hôpital dans les mêmes symptômes que certaines entreprises. » Face à cette détresse, les organisations syndicales réclament un « Grenelle de l’hôpital ».

Photo : CC Philippe Agnifili