Maintien de l’ordre

En Allemagne, la moitié des personnes tuées par la police atteintes de troubles psychiatriques

Maintien de l’ordre

par Rachel Knaebel

La semaine dernière, Basta! a publié une base de donnée inédite sur les morts de la police en France depuis 1977. Il n’existe pas en France de base de donnée officielle sur les personnes tuées par des policiers. À charge donc aux journalistes de réaliser ce recensement. En Allemagne non plus, il n’existe pas de statistiques officielles complètes sur ce sujet. Là encore, c’est la presse qui tente de faire la lumière sur les interventions létales de la police. L’an dernier, le quotidien allemand la Tageszeitung a publié une base de données des personnes tuées par des tirs de la police en Allemagne depuis 1990 – date de la réunification. Selon ces recherches, au moins 269 personnes ont été tuées par l’ouverture du feu des policiers allemands entre 1990 et mi-2017. Soit une dizaine de personnes en moyenne chaque année.

Comme en France, il s’agit dans la plupart des cas de personnes tuées dans le cadre de mission traditionnelles par des patrouilles de police classiques. « Dans moins d’un cas sur cinq, il s’agissait de force d’interventions spéciales », précise la Tageszeitung. Dans 92 % des cas, les policiers ont déclaré avoir agi en situation de légitime défense. 22 cas ont été classés comme des accidents. Tout comme en France, la quasi-totalité des tués sont des hommes – seulement cinq femmes sont comptabilisées parmi ces 269 tués. Deux-tiers des tués ont aussi moins de 40 ans. En France, la moitié des personnes décédées des suites d’une intervention des forces de l’ordre avaient moins de 25 ans.

Peu d’affaires concernent un « contexte criminel classique »

Dans le cas allemand, la majorité des tués était armée d’une arme blanche ou d’une arme à feu. Depuis une décennie, les personnes armées d’une arme blanche sont trois fois plus nombreuses que celles tenant une arme à feu. Or, « le danger, pour les policiers, d’être blessé, est beaucoup plus important si les personnes sont munies d’une arme à feu », soulignait le journal allemand.

Dans de nombreux cas de figure, les personnes tuées étaient aussi atteintes de troubles psychiatriques. « Entre 2009 et 2017, 74 personnes ont perdu la vie par des tirs de la police ; 38 d’entre eux, soit un peu plus de la moitié, se manifestaient des signes de maladies psychiatriques », écrit la Tageszeitung. Seulement seize affaires concernent un « contexte criminel classique, comme des suspects qui voulaient échapper à une arrestation », détaille le quotidien.« L’image classique de cambrioleurs qui perdent la vie dans un échange de tirs avec les forces de l’ordre a finalement peu à voir avec la réalité. Ceux qui sont tués par la police en Allemagne ont bien plutôt de grandes chances d’être atteints de troubles psychiatriques ou de se trouver au moins dans une situation d’urgence psychiatrique », concluait le journal.

Sur les 269 cas de personnes tuées par la police allemande en 27 ans, des policiers ont eux aussi été blessés dans 69 cas, dont huit mortellement. Mais sur ces huit policiers tués, cinq l’ont été en fait par erreur par leurs collègues.

 En 40 ans, 478 morts à la suite d’interventions policières, la base de donnée de Basta! ici

 Tödliche Polizeischüsse, la base de donnée de la Tageszeitung ici

Photo : CC Martin Krolikowski