Ruée vers l’or noir

Du pétrole au large de la Guyane ? Une bien mauvaise nouvelle

Ruée vers l’or noir

par Maxime Combes

La France a désormais du pétrole à défaut d’avoir des idées pour ne plus en dépendre. La découverte de champs pétrolifères au large de la Guyane a été un peu partout qualifiée « d’historique ». Comme si la lente agonie de l’or noir ne nous concernait plus.

© Sebastião Salgado/Amazonas images

« Historique ». C’est la façon quasi unanime dont médias et industriels ont qualifié la découverte de pétrole au large de la Guyane. À environ 150 kilomètres au nord-est de Cayenne, le forage du puits Zaedyus a été réalisé en eaux profondes, à plus de 2 000 mètres sous la surface de l’océan Atlantique, par la société britannique Tullow Oil. Celle-ci détient 27,5 % du projet aux côtés de Shell (45 %) et Total (25 %), qui se sont déclarés « satisfaits » des premiers résultats. Ils espèrent avoir mis la main sur une parcelle de ce nouvel eldorado de pétrole brut, situé au large du Brésil, et exploré depuis quelques années par le Brésilien Petrobras.

Est-ce une découverte « historique » au regard des réserves prouvées ? Les réserves totales avancées pour ce champ offshore sont de 700 000 barils avant le début du forage. Soit 0,05 % des réserves mondiales prouvées de la planète. Ce forage a été réalisé sur l’hypothèse géologique suivante : il serait le miroir du champ de Jubilee, découvert en 2007 au large du Ghana, séparé il y a 100 000 millions d’années lorsque les deux continents ont commencé à dériver. Le champ Jubilee recèle 1,4 milliard de barils. Si le miroir est parfait, on atteint donc 0,1 % des réserves mondiales prouvées. Les industriels font savoir qu’autour de ce champ pourrait être découvert un bassin d’hydrocarbures plus vaste. D’autres forages sont en cours au large des côtes guyanaises. Le large du Surinam pourrait aussi être propice. La fourchette avancée est alors de 1 à 5 milliards de barils au total, soit entre 0,1 et 0,4 % des réserves prouvées mondiales.

« Historique » car permettant de faire reculer le pic pétrolier ? Dans son rapport de l’automne 2010, l’Agence internationale de l’énergie estime que la production des champs de pétrole conventionnel existants devrait chuter de 20 millions de barils par jour d’ici à 2020. Soit le double de la production quotidienne actuelle de l’Arabie Saoudite. En plus de ne pouvoir être aussi rapide que celle d’un champ situé sur la terre ferme, la production offshore à partir d’un puits comprenant au mieux 1 ou 2 milliards de barils au total sera bien incapable de stabiliser la production mondiale quotidienne.

« Historique » pour l’approvisionnement en pétrole de l’Hexagone ? La France consomme environ 2 millions de barils par jour. Le pétrole du champ découvert au large de la Guyane représente donc potentiellement entre un an et deux ans de consommation française.

Difficile donc de comprendre donc pourquoi cette découverte a été qualifiée d’historique. Masquer la réalité du pic pétrolier ? Bercer d’illusions la population française ? Ce puits Zaedyus, situé au large d’une des plus vastes mangroves de la planète, plus profond que celui à l’origine de la marée noire du golfe du Mexique, est en tout cas le symbole d’une industrie pétrolière désireuse de forer toujours plus loin et plus profond : exploitation en eaux profondes, sables bitumineux, pétrole de schiste et maintenant forages en Arctique. Au risque de conséquences écologiques gravissimes. Comme s’il était possible de maintenir, voire d’accroître, notre consommation d’énergies fossiles au regard des défis climatiques auxquels nous sommes confrontés.

Maxime Combes