Santé publique

Preignac, ses vignobles, ses pesticides et ses enfants malades de cancer

Santé publique

par Nolwenn Weiler

Les enfants atteints de cancers sur la commune viticole de Preignac, en Gironde, sont-ils victimes des pesticides pulvérisés à proximité de leur école ? C’est ce que craint le maire de la commune, quand il écrit à l’agence régionale de santé (ARS) en février 2013 pour réclamer une enquête. Dans sa lettre, Jean-Pierre Manceau signale notamment qu’il ne cesse, depuis des années, « d’intervenir auprès des viticulteurs propriétaires de parcelles contigües à l’école primaire afin que soit proscrit tout sulfatage et autres traitements de la vigne à l’aide de pesticides pendant les heures de récréation scolaire. »

Il n’y a pas qu’à Preignac que les enfants sont exposés, dans la cour de leur école, aux fongicides et autres merveilles chimiques allègrement épandus, même lorsque sonne l’heure de la récré. En mai 2014, des enfants et leur institutrice avaient ainsi été intoxiqués aux pesticides épandus sur les vignes attenantes à la cour de leur école à Villeneuve, un autre village girondin. L’affaire, largement relayée par les médias avait ému les pouvoirs publics. Et depuis, tout épandage à moins de 50 mètres des limites des établissements scolaires a été interdit. Aucune étude ne dit si cette distance « de sécurité » est bien respectée...

Cinq fois plus de cancers d’enfants

Mais revenons à Preignac et ses 2 200 habitants. Pour « objectiver la fréquence des cancers pédiatriques dans la commune et ses environs, et évaluer la plausibilité d’un lien avec les expositions aux pesticides issues des épandages viticoles », une investigation a été lancée par la cellule régionale de l’institut de veille sanitaire. Les résultats ont été publiés au début de ce mois d’août 2015. Dans les conclusions, on peut lire que l’on a affaire à un excès de cancers « modéré ». Modéré ? Entre 1990 et 2012, quatre enfants ont déclaré un cancer à Preignac, soit cinq fois plus que la moyenne nationale, qui se serait située – vu le nombre d’enfants sur la commune – à 0,8.

Très prudent, le rapport resserre ensuite son attention sur les cancers « pouvant être liés à une exposition aux pesticides », c’est-à-dire reconnus, dans la littérature scientifique, comme conséquence directe de l’exposition aux pesticides (ce qui ne signifie pas que les autres cancers ne sont pas liés, mais on continue de vouloir accumuler des preuves pour être sûr....). Parmi ces cancers : la leucémie. Et l’excès apparaît là encore moins « modéré » : Il y a six fois plus de cancers d’enfants à Preignac que dans le reste du pays.

Des recommandations hallucinantes

Étant donné qu’il n’y a sur la commune de Preignac et alentours, nulle source de pollution majeure, « hormis une forte activité viticole », et non bio, la contribution des pesticides « ne peut être exclue » conclut poliment le rapport. Précisant qu’« il existe une exposition possible aux épandages de pesticides des enfants de l’école, sans que l’on puisse à ce jour la quantifier. En effet, aucune mesure dans l’air, notamment au niveau des pesticides, n’a été réalisée sur Preignac. Toutefois, des études réalisées sur d’autres communes viticoles de la Gironde ont montré la présence de pesticides dans l’air ambiant (notamment des fongicides) en période d’épandage, à proximité des parcelles de vignes. »

Mais ni ces mesures, ni le décompte des enfants malades ne risquent de révolutionner quoi que ce soit dans les pratiques agricoles. Concernant le viticulteur adepte des épandages en pleine période de récré, il est simplement conseillé de « reprendre la concertation », histoire de voir s’il peut ranger son pulvérisateur les jours d’écoles. Et il devrait, « a minima » prévenir la directrice de l’école avant tout traitement. Pour « diminuer l’exposition aux pesticides au niveau de l’école », l’ARS recommandant de mettre en place des barrière de protection, d’aérer les classes, et de nettoyer les structures de jeux extérieurs ! Et que ceux et celles qui craignent de plus amples investigations se rassurent : le rapport déconseille purement et simplement de prévoir de nouvelles enquêtes.