Pénurie

Sans réquisition, les stocks d’anti-douleurs et de sédatifs seront épuisés en « quelques jours » dans les hôpitaux

Pénurie

par Rachel Knaebel

Plusieurs organisations, dont les collectifs Inter-Hôpitaux, Inter-Urgences et Act Up-Paris, ont déposé le 30 mars une requête au Conseil d’État pour exiger des mesures d’urgences face aux manque de masques, mais aussi de médicaments pour traiter les patients Covid-19.

Les masques, les tests, les tenues de protections… partout en France, le matériel manque pour lutter contre le Covid-19. La menace d’une pénurie de certains médicaments pèse aussi, en particulier certains sédatifs et anti-douleurs utilisés lors des opérations chirurgicales, en réanimation ou pour aider les patients en difficulté respiratoire à supporter leur intubation. Le Premier ministre Édouard Philippe a admis de simples « tensions d’approvisionnement » sur ces stocks, le 28 mars. La situation semble cependant plus grave.

« Nous sommes en contact avec des soignants, pour certains de ces médicaments, c’est l’affaire de quelques jours pour qu’il n’y ait plus de stocks dans les hôpitaux à Paris et dans le Grand-est », alerte Jérôme Martin, cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament. « Parmi ces médicaments, il y a des antibiotiques. Mais, le plus urgent, ce sont les produits sédatifs, la morphine, le curare. Sans eux, on ne peut pas intuber, pas pratiquer d’opérations chirurgicales, même celles qui ne sont pas liées au Covid. Ces médicaments servent à calmer la douleur, ils peuvent aussi sauver des vies car la douleur peut provoquer des étouffements. Sans eux, on ne peut pas placer les patients en sédation profonde. Une pénurie, ce serait une atteinte au droit à mourir dans la dignité. On est en train d’abaisser le standard de soin », estime-t-il.

« Cette situation dramatique est une atteinte à la sécurité sanitaire des personnes »

Une coalition d’organisations de la société civile – dont le Collectif Inter-Hôpitaux, le Collectif Inter-Urgences, la Coordination nationale des infirmières, Act up-Paris et l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament – vient de déposer un recours au Conseil d’État ce 30 mars [1].. Ils y demandent des réquisitions pour assurer les soins et la protection des soignants. « Les services hospitaliers sont aujourd’hui contraints d’utiliser "avec parcimonie" et "frugalité" certains médicaments tels que la morphine ou de rationner l’usage des curares. Cette situation dramatique est une atteinte à la sécurité sanitaire des personnes et à leur vie – pas d’intervention chirurgicale sans curare par exemple », soulignent les organisations dans un communiqué.

Le Conseil d’État devrait répondre dans les jours qui viennent sur la réquisition des moyens de production demandée. « Il est indispensable de mettre en place des mesures pour que la production industrielle s’adapte à la "guerre sanitaire" déclarée, et donne aux hôpitaux les moyens d’effectuer leurs missions dans des conditions nécessaires en termes de sécurité pour les patients et les soignants », écrivent les organisations. Le 25 mars, déjà le Collectif Inter-urgence avait déposé une plainte contre X, pour « abstention volontaire de prendre les mesures visant à combattre un sinistre », « homicide involontaire », « mise en danger délibérée de la vie d’autrui », dans le but d’accélérer la prise de décision par le gouvernement pour une livraison en urgence de matériel adapté.

Photo : CC Hospital clinic via flickr.

Notes

[1L’ensemble des requérants sont des personnes individuelles ainsi que Act Up-Paris, Adelico, le Collectif Inter-Hôpitaux, le Collectif Inter-Urgences, la Coordination nationale des infirmières, l’Association des Victimes, Malades et Impactés du Corona Virus. L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament soutient la démarche.