Retraites

Coup de force de la mairie de Rennes contre le mouvement social

Retraites

par Nolwenn Weiler

Ce 2 décembre, les forces de l’ordre ont évacué la Maison de la grève, à Rennes. Ces locaux, appartenant à la Ville, étaient occupés depuis un mois par des salariés, précaires, étudiants, syndiqués ou non. Leur objectif : prolonger le mouvement de résistance contre la réforme des retraites. En faisant vivre, localement, un lieu où s’inventent concrètement d’autres solidarités.

Photo : © AGI - Maison de la grève

«  Police ! » : c’est le mot d’ordre qui a surpris dans leur sommeil, à 6h jeudi matin, les 13 occupants de la Maison de la Grève, à Rennes. Direction : le poste (pour 4 heures) pour non-présentation de leurs papiers d’identité. La police municipale est arrivée plus tard en renfort. Flanquée des services de la Ville, chargés de nettoyer les lieux. D’ailleurs, ils avaient l’air étonné, les services, de trouver l’endroit plutôt propre et bien tenu.

Inventée dans la foulée du mouvement des retraites, la Maison de la grève est à la fois un lieu et une idée. Celle de poursuivre, coûte que coûte, la lutte sociale. Avec l’envie de rassembler bien plus largement que les seuls syndicats. « Il y a ce désir, cet impératif de croiser les salariés du public et du privé, les précaires, les syndiqués et ceux qui ne le sont pas », explique Gabriel, salarié syndiqué. Lassés de se retrouver dans la rue, les membres de ce collectif autonome et hétéroclite – qui s’est donné le nom d’« Assemblée générale interprofessionnelle » (AGI) – demandent un lieu. Ne l’obtiennent pas. Et décident donc d’en choisir un : l’ancien local de la CFDT, toujours branché sur les réseaux d’eau et d’électricité, et situé non loin du centre-ville. Nous sommes fin octobre.

De grosses pertes matérielles

Un mois plus tard, ils se font virer manu militari, sur ordre du maire PS Daniel Delaveau. Appelés en urgence par les squatteurs, au petit matin, une cinquantaine de soutiens sont venus assister, impuissants, au vidage des lieux. « Ils sont en train de nous appauvrir, grave », se désolent les habitants de la Maison en voyant passer devant eux une énorme benne. « Ils vont en mettre une partie à la déchetterie, et une autre aux objets trouvés. Mais nous n’avons pas de titre de propriété... ça va être difficile de retrouver le matos. » Le matos, c’est notamment la Caisse de grève (1.500 euros), restée sur place. Des vélos, des outils de bricolages, du matériel informatique...

C’est qu’en un mois de squat, les habitants de la Maison n’ont pas chômé. En plus des débats et échanges politiques quotidiens qui animent les lieux, sont installés un atelier vélo, un espace informatique, un espace bricolage, un atelier sérigraphie et... une cuisine ! Une cantine publique, ouverte deux à quatre fois par semaine, accueille une cinquantaine de personnes autour d’un bon repas fait maison. « Des gens très différents, qui ne se seraient jamais croisés, se retrouvaient là, à discuter », témoigne une jeune habituée.

Une autre façon de vivre ensemble

« C’était très organisé, insiste un jeune homme. Pour la cantine, il y avait un tableau, tous les jours, qui disait qui faisait quoi. Chacun, et tout le monde, passait manger un bon repas pour un prix libre. Pas plus de 3 euros. Les denrées étaient données par les paysans du coin. Ou déposées par des soutiens. » Dans un de leurs communiqués, les habitants de la Maison écrivent que « cette démarche d’entraide participait pleinement à la volonté de créer, dès maintenant, un front politique de contestation, capable d’inventer d’autres relations – aux autres, à la politique, à la subsistance, etc. – et d’aider à penser et rendre désirable un dépassement des rapports purement économiques ». C’est cette force là qui, selon eux, fait peur aux élus rennais.

Qui répondent simplement, dans un communiqué publié ce matin sur le site info35, que « depuis plusieurs semaines, sous l’appellation "Maison de la grève", un groupe occupait illégalement des locaux destinés par la Ville à des associations, liées notamment à l’accompagnement de l’urgence sociale. La Ville de Rennes avait clairement mis ces personnes devant leurs responsabilités. Conformément à l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de grande instance, la Ville a demandé l’évacuation de ce squat, qui a été opérée par les forces de police ce jeudi matin. » Les activités menées par les occupants (repas bon marché, aide aux chômeurs à faire valoir leurs droits, soutien aux piquets de grèves dans les entreprises alentours, etc.) ne semblent pas avoir retenu l’attention de monsieur le Maire. Quant à l’éventualité d’une opposition durable au sarkozysme... elle semble ne l’avoir pas même effleuré.

Nolwenn Weiler