Éducation populaire

Comment réparer sa voiture sans se faire arnaquer

Éducation populaire

par Sébastien Tranchant

« Do it yourself ! » : Une association nantaise, créée en 1981 et spécialisée dans la mécanique, applique le principe du « faire soi-même » depuis plus de trente ans. Cinq mécanos apprennent aux 350 adhérents à se débrouiller pour réparer leur véhicule. Le tout dans une ambiance très familiale. Avec la crise, les adhésions grimpent en flèche.

Au 17, rue Bellamy, en plein centre de Nantes, l’ambiance est à la fois studieuse et chaleureuse. Dans les locaux de l’Atelier, on forme à la mécanique auto selon les principes de l’éducation populaire. Les 350 adhérents – dont une centaine de femmes – apprennent ici à entretenir leur propre véhicule au contact de professionnels rompus à l’exercice. L’organisation est bien huilée. « Quand un adhérent souhaite réaliser des réparations, il prend rendez-vous et un emplacement lui est réservé, explique Christian, mécano depuis quatorze ans à l’Atelier. Tout le matériel est à sa disposition, et l’équipe des permanents l’aide si besoin. »

Cinq mécaniciens professionnels travaillent pour cette association, créée il y a trente et un ans au fond d’une petite cour pavée. Tous en contrat à durée indéterminée. Ni emplois aidés, ni subventions, l’Atelier – propriétaire des locaux qu’il occupe – fonctionne grâce aux adhésions. Une aide publique de 4 000 euros, pour faciliter l’accès des adhérents à faible revenu, vient compléter le budget annuel, qui s’élève à 160 000 euros.

Les locaux spacieux sont entièrement dédiés à la vulgarisation de la mécanique : les outils sont étiquetés, les étagères remplies de documentation technique, les « apprentis » peuvent s’exercer sur des « moteurs école » installés dans un coin du hangar. « Les premières fois, je m’appuyais beaucoup sur les permanents car je ne savais pas par où commencer, confie Thomas, 34 ans, le visage légèrement noirci de cambouis, et adhérent depuis six ans. On prend progressivement confiance en soi. Les mécaniciens professionnels donnent la marche à suivre, et on avance petit à petit. »

Des véhicules dangereux, faute de moyens

Étape 1, étape 2, étape 3 : la mécanique, ce n’est pas sorcier quand on est bien accompagné. « On vient ici avec des choses concrètes à réaliser. Par exemple, changer une courroie de distribution, remplacer des plaquettes de frein ou faire une vidange. C’est comme cela qu’on apprend le mieux », rapporte Christelle, 44 ans, le nez dans le moteur de sa Peugeot 306 depuis deux bonnes heures. À l’Atelier, on ne fait pas n’importe quoi n’importe comment. Dans chaque situation, il y a une méthodologie précise à appliquer. « Si tu resserres plus les trois petits écrous, tu auras une meilleure réaction », glisse Vincent, un mécano, à Thomas.

En partageant un savoir mécanique monnayé très cher par de nombreux garagistes, l’association nantaise offre une alternative économique à des automobilistes de plus en plus étranglés financièrement. « Si les salaires avaient augmenté de la même façon que les prix des pièces autos en trente ans, ça se saurait, commente Christian, le mécano. Le problème, c’est qu’un nombre grandissant d’automobilistes roulent dans des véhicules mal entretenus car ils n’ont plus les moyens de faire face aux dépenses. Nous, on refuse cette réalité. »

Entre 370 000 et 740 000 véhicules ne sont pas assurés en France, selon un rapport remis récemment au ministère des Finances par le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO). Phénomène non marginal auquel il faut ajouter un autre chiffre tout aussi inquiétant : 20 % des véhicules du parc automobile rouleraient sans contrôle technique. Un constat peu glorieux qui relativise les résultats en trompe-l’œil de la sécurité routière communiqués par le gouvernement, basés uniquement sur le nombre de morts sur les routes.

Une solution très rentable financièrement

Le montant de l’adhésion à l’association – compris entre 420 et 670 euros par an – est calculé en fonction des revenus et de la situation familiale de ses membres. Le fonctionnement est mutualiste : aucun paiement supplémentaire à l’acte n’est pratiqué. Les adhérents s’inscrivent au planning autant de fois qu’ils le souhaitent. Ce fonctionnement semble rassurer les automobilistes : « Depuis la crise de 2008, le nombre d’adhérents a augmenté de 20 % », souligne un permanent.

« Je me suis toujours un peu méfié des garagistes, avoue Thomas, propriétaire d’un vieux taco affichant 400 000 km au compteur. J’ai poussé la porte de l’Atelier car je savais que j’aurai régulièrement des frais à prévoir sur ma voiture. L’association me paraissait proposer un bon compromis financier. La première année, ma cotisation s’élevait à 450 euros. Une somme non négligeable mais, après avoir effectué une vidange, changé un embrayage, les freins, et modifié quelques réglages sur mon break, je me suis rendu compte que j’avais amorti cette dépense dès mon troisième rendez-vous. » Pierre, un habitant du coin de 60 ans, qui ne connaissait pas l’Atelier, n’en revient pas. Il s’est acquitté récemment d’une facture de garagiste de 1 500 euros pour le remplacement des quatre pneus et de la courroie de distribution de son monospace. L’équivalent de trois ans d’entretien à l’Atelier… De quoi faire réfléchir.

Sébastien Tranchant