A l’attention de mon fils

Comment cette pathétique élection présidentielle a retourné ma veste d’abstentionniste chronique

A l’attention de mon fils

par Antoine Rocher

Antoine a 53 ans, il se définit comme un abstentionniste chronique et sans complexes. Il a trois enfants en âge de voter, et cette campagne électorale l’a amené à changer son point de vue sur le vote. Il écrit ici à son fils « qui a actuellement tendance à mettre tout les politiciens dans le même sac ». Voter, explique-t-il, c’est dire aux responsables politiques « que seul le peuple compte. Et qu’il est là ! »

Je suis un français ordinaire qui a certes de réelles convictions mais qui ne trouve plus les moyens de les exprimer à travers les programmes sclérosés du néo-libéralisme, proposés en copie carbone depuis de nombreuses année. C’est autant une lassitude qu’une colère vis-à-vis du monde politique. Bref, j’avoue, je suis un banal « AL », un abstentionniste lambda, et sans complexes, car voter uniquement dans le but de faire barrage aux extrêmes m’a toujours semblé une contrainte plus que douteuse. Aujourd’hui mon fils vient d’avoir 18 ans et il marche dans mes pas. Il n’a déjà plus beaucoup d’illusions sur le monde politique : comment légitimement ne pas se poser la question de notre place de citoyen dans la France de 2017 ?

Cela fait maintenant des semaines que le spectacle pitoyable de la présidentielle française s’impose à notre corps défendant, sidérant, nous ridiculisant au regard de nos voisins européens et à travers le monde. Non contents de bafouer l’attention des citoyens et de rendre inaudible la possibilité d’un débat d’idées, plusieurs candidats de premier plan ont jeté un nouveau discrédit sur l’ensemble de la classe politique et sur le pays. Prise en otage, la campagne n’a pas vraiment eu lieu.

Ceci se produit alors qu’un grand nombre de Français sont désabusés ou révoltés par des années de gouvernances qui furent, successivement, bien à la peine pour faire émerger de nouveaux choix de société, ne produisant finalement qu’un climat de défiance, de frustration économique et sociale.

Prospérant sur ce terrain délétère, une partie de la droite radicale en a fait le terreau d’une rhétorique populiste clivante et nauséabonde, perturbant un peu plus le ressenti de citoyens fragilisés. Plus fort encore, les mêmes politiciens, impliqués dans des affaires de corruption et non contents de défier - les yeux dans les yeux - les Français et la justice, ont dans un excès de cynisme outré, réussit à se positionner en adversaires d’un système qu’ils ont eux-même entretenu. L’escroquerie est totale, nous sommes les poires de la campagne.

En finir avec le tintamarre des casseroles et de l’affairisme financier

C’est ainsi que s’est déroulée cette présidentielle autiste, écrasée dans les médias par le vacarme étourdissant des nombreuses affaires et asphyxiée par la démagogie, la propagande et les rumeurs nauséabondes consciencieusement relayées sur le web. Les États-Unis et le monde entier payent actuellement au prix fort les conséquences d’une campagne électorale corrompue. Et que dire de la démocratie d’Erdogan ou d’un Poutine ? Quand à l’Angleterre, elle paraît bien seule sur la carte européenne.

Le risque ? Croire que seuls de radicaux concepts (quitter l’Europe, fermer nos frontières, etc.) ou l’élection d’un nouveau monarque populo-libéral puisse, en nous isolant, faire de ce pays une puissance, est une parfaite illusion. Un programme ambitieux construit sur des choix d’équipe judicieux, de l’innovation conduite avec opiniâtreté, nous offrira certainement plus de possibilités dans un monde globalisé qui finira par s’organiser et se réguler, même si cela prendra du temps. Nous sommes un pays riche, nous avons encore toutes les chances d’y conserver une place honorable, soutenus par une politique que l’on espère durable et audacieuse.

J’ose croire que nous sommes aujourd’hui arrivés au bout d’un système, d’une incertaine politique qui a touché le fond. Mais la France peut changer, l’histoire l’a prouvé. Et elle changera si nous nous débarrassons de ces vils opportunistes réactionnaires qui tentent de nous convaincre du bien fondé de leurs alternatives. Ils ont pollué la présidentielle, mais ne pas voter c’est leur donner raison, l’abstention ne servira pas la contestation. Le vote blanc, c’est toujours une expression, et la vie citoyenne ne s’arrête pas aux urnes : impliquons-nous tous les jours, nous sommes citoyens 365 jours par an. Je pense que nous pouvons essayer d’en finir avec le tintamarre des casseroles et de l’affairisme financier. Les temps vont changer.

Reprenons notre destin en main, votons pour nous-mêmes, pour nos enfants

Il faut maintenant dépasser le stade de ce climat engendré par cette présidentielle. Il ne tient qu’à nous d’inverser la donne, de reprendre le contrôle démocratique, de montrer que nous sommes toujours un grand pays et que le peuple français a de la ressource. Il est heureusement des candidats qui méritent notre attention et notre adhésion. Prenons enfin le temps de les entendre et d’écouter sereinement l’ambition de leur projet.

Nous n’élirons pas un parti, pas plus qu’une femme ou un homme providentiel/le, nous devons voter pour l’émergence d’un projet, qui porte haut l’idée d’un progrès social, économique et environnemental, qui encourage le respect de l’autre et soutient les valeurs républicaines. Essayons de voter avec la conviction du cœur et sans ressentiment. Reprenons notre destin en main, votons pour nous-mêmes, pour nos enfants, pour le bien commun. Et pour dire bien fort aux politiciens que seul le peuple compte. Et qu’il est là !

Nous sommes les habitants d’un pays riche, de culture, d’idées et de diversités, un pays libre et en paix. La France doit avancer. Ce pays réclame de profonds changements qui se sont déjà trop faits attendre. Il faut recommencer à y croire malgré les difficultés liées aux bouleversements mondiaux ; une extraordinaire et difficile révolution technologique et sociétale mondialisée est en cours, ne nous refermons surtout pas sur nous-mêmes ou dans la peur. Nous sommes le peuple, nous sommes ce levier, faisons bouger la France, VOTONS !

Antoine Rocher

Photo : Temps de parole lors du dernier débat entre les onze candidats diffusé le 20 avril sur France 2 / © Serge D’ignazio