Accords commerciaux

Cargill, la première multinationale agroalimentaire, dans le viseur des paysans

Accords commerciaux

par Sophie Chapelle

Le siège social de la multinationale Cargill situé à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), est occupé depuis 9h, ce 24 septembre, par une centaine de militants de la Confédération paysanne. Ils protestent contre le projet de traité économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada (CETA), à deux jours d’une rencontre à Ottawa pour « célébrer la conclusion historique » des négociations. « Cette occupation vise à dénoncer la prise de pouvoir par les multinationales sur les paysans et citoyens européens et nord américains », indique la Confédération paysanne dans un communiqué.

La firme américaine Cargill n’a pas été choisie par hasard par les syndicalistes. Elle est la première multinationale agro-alimentaire mondiale avec un chiffre d’affaires de 140 milliards de dollars. « Elle a fondé sa fortune sur la production, la vente et la distribution de maïs sur la planète », souligne la Confédération paysanne qui considère que cette société est « à l’origine de l’industrialisation de l’agriculture ». Elle est pointée du doigt comme un acteur majeur de la crise alimentaire mondiale en 2008 du fait de la spéculation sur les matières premières, rappelle RFI. La firme américaine travaille étroitement en France avec Sofiprotéol, leader français dans les huiles de colza, de tournesol ou de soja (notre enquête).

Comme le montre un rapport de l’Observatoire européen des entreprises (CEO), les lobbys de l’agro-industrie sont aujourd’hui très actifs dans les négociations sur les traités de libre-échange. Cargill est notamment membre de la puissante US Meat Export Federation, qui fait ouvertement pression auprès de la Commission européenne pour la conclusion de ces accords. « La Confédération paysanne refuse de laisser aux multinationales le pouvoir de dicter leur avenir aux paysans, et de choisir l’alimentation des citoyens », appuie le syndicat.

La fin de l’agriculture paysanne ?

La Confédération paysanne craint que ces accords n’affaiblissent des filières de production comme le bœuf en Europe. La suppression des droits de douanes pourrait en effet générer un déferlement de viande bovine bon marché auquel les producteurs locaux ne pourraient faire face. La remise en cause des critères de qualité comme les Appellations d’origine protégée, la dégradation des droits sociaux, la révision à la baisse des normes environnementales et sanitaires : autant de mesures qui « sacrifieraient l’agriculture paysanne au profit de l’agriculture capitalistique, industrielle et financiarisée, des deux côtés de l’Atlantique », dénonce la Confédération paysanne.

Le syndicat paysan demande aux élus de « prendre leurs responsabilités », de « stopper le CETA » et de « mettre fin aux négociations sur le TAFTA », le projet d’accords de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis. Sept régions françaises ont d’ores et déjà adopté une délibération pour demander l’arrêt des négociations du TAFTA (l’Île-de-France, le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Lorraine, la Franche-Comté, le Limousin et Provence-Alpes-Côte d’Azur – la Basse-Normandie a voté un vœu de vigilance). Trois départements – le Tarn, l’Hérault et la Seine-Saint-Denis – ont suivi le mouvement, auxquels s’ajoutent une soixantaine de communes « hors TAFTA ». Un appel est également lancé aux citoyens européens contre le traité transatlantique. Une journée d’action décentralisée contre les accords de libre-échange aura lieu le 11 octobre 2014, à l’initiative du Collectif national unitaire Stop Tafta.

[Mise à jour le 24 septembre à 18h] L’occupation du siège de Cargill France s’est terminée au bout de sept heures, après l’obtention d’un rendez-vous avec le secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, en charge pour la France du suivi des négociations de ces accords.

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