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Pour la fête d’indépendance brésilienne, soutenons les luttes et célébrons les résistances

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par Collectif

Ce 7 septembre, le Brésil fêtera la 97e année de son indépendance, et la fin de la tutelle du Portugal. Cette célébration se tient dans un contexte bien maussade, sous la présidence de Jair Bolsonaro. Pourtant, ils et elles sont nombreux à résister sur place, et à travailler, un siècle après l’indépendance, à une nouvelle émancipation. Une tribune de l’association « Autres Brésils ».

Le 7 septembre 1822, au bord d’une rivière, près de São Paulo au Brésil, le prince Pedro 1er pousse son « cri d’Ipiranga » qui a depuis marqué l’histoire du pays : « L’indépendance ou la mort ! » Ébranlé par la révolution libérale qui bouleverse le Portugal depuis deux ans, et poussé par les élites agraires brésiliennes, le quatrième fils du roi portugais Dom João VI, resté à Rio de Janeiro en tant que prince régent, décide de rompre avec l’empire portugais. Il déclare l’indépendance politique de l’ancienne colonie. Ainsi naît le mythe fondateur d’un État brésilien indépendant et d’une nation brésilienne unifiée « pacifiquement » par son prince.

Depuis, le 7 septembre est le jour de la Fête Nationale. Au Brésil, il y a des défilés, des cérémonies. À l’étranger, la république brésilienne organise des réceptions pour sa « fête de l’indépendance ». Cette année aussi ; mais le cœur n’y est pas. Aujourd’hui, plus que jamais, les rivières et les terres sont empoisonnées, les forêts brûlent, les droits s’effondrent. Aujourd’hui, cette fête semble n’être plus que la triste allégorie d’un Brésil dévasté par une puissante crise sociale, environnementale et démocratique. Huit mois après son élection à la tête du pays, le président Jair Bolsonaro incarne la pire expression de trois « constantes » tragiques de l’histoire brésilienne : l’autoritarisme, la rupture institutionnelle, la « pacification ».

« La coalition de Bolsonaro réunit de grands propriétaires terriens, des militaires, des membres des églises évangélistes, des milices et des élites économiques »

À travers ses décrets, ses actes administratifs et ses prises de parole, en public ou sur les réseaux sociaux, Bolsonaro s’impose comme « l’homme providentiel », un homme fort, à la puissance incontestable et au discours guerrier, pour lequel les opposant.e.s sont des ennemi.e.s à (a)battre. Rien ne peut échapper à son contrôle : il nomme les présidents des universités, remet en question les résultats des instituts publics de recherche qui le contredisent, attaque les ONGs écologiques travaillant en Amazonie et répand des mensonges à leur encontre.

Il veut redonner une morale chaste aux arts et à la télévision. Il criminalise les mouvements sociaux et les élu.e.s d’opposition. Il n’épargne rien, pas même la presse, qui, chaque jour, subit les attaques du président ou de son entourage, à grands coups de « fake news ». Sa victoire est synonyme d’une mise sous tutelle idéologique des institutions de l’État. Le Brésil est aux mains d’un autoritarisme féroce cherchant à contrôler tout ce qui pourrait constituer une menace à son pouvoir.

Un pouvoir en guerre contre les « marges »

Deuxième constante de l’histoire du Brésil : la coalition très hétéroclite qui compose chaque gouvernement. Celui de Bolsonaro réunit de grands propriétaires terriens, farouches défenseurs de l’agrobusiness, des militaires, des membres des églises évangélistes, des milices – mafias de policiers ripoux – et des élites économiques. S’y ajoutent également les ultra-libéraux qui cherchent à flexibiliser davantage le marché du travail et à démanteler les différents secteurs du service public comme l’éducation, la santé, la sécurité sociale ou les retraites.

Bolsonaro cherche systématiquement à concilier les intérêts de ces groupes à son agenda idéologique profondément conservateur et belliciste. Ainsi, à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique, il sait réconcilier ceux qui pensent que la terre est plate et ceux qui cherchent à en extraire toutes les richesses, jusqu’à l’épuisement. Mais, chacun de ces groupes défendant des projets très divers, parfois contradictoires, cette coalition artificielle conduit inévitablement au processus de rupture institutionnelle que traverse le Brésil aujourd’hui.

Bolsonaro et la coalition qui l’a porté au pouvoir souhaitent construire un pays « pacifié », débarrassé des couches populaires et de tout ce qui serait hors-norme et donc potentiellement dangereux. Leur but ? Un pays où vivraient en paix les « citoyens de bien ». Un pays libéré de la menace que constitueraient les peuples autochtones, les populations noires, les personnes LGBTQI+, les paysan.ne.s, les enseignant.e.s, les travailleur.se.s, les partis et syndicats progressistes, de gauche, tou.te.s celles et ceux accusé.e.s d’être des « communistes ». Pour exclure ces « marginaux » de la sphère politique, tous les moyens sont bons : criminalisation, violences policières, censure, précarisation accrue, affaiblissement des droits sociaux, etc.

« Un pays libéré de la menace que constitueraient les peuples autochtones, les populations noires, les personnes LGBTQI+, les paysan.ne.s, les partis et syndicats progressistes, tous accusés d’être des "communistes" »

Face à ce constat, soutenons les luttes et célébrons les résistances. Depuis bientôt vingt ans, l’association Autres Brésils propose un décryptage de la société brésilienne au public francophone. L’actualité sociale, environnementale, politique est traitée dans sa complexité, à travers nos traductions quotidiennes d’articles, nos projections-débats et notre festival de documentaires. L’association se veut le relais de ces Brésils qui résistent au quotidien.

Ces associations, ONG, universités, mouvements sociaux et syndicats subissent les attaques du gouvernement de Bolsonaro et de plusieurs hommes et femmes politiques à différents niveaux de l’État qui restreignent chaque jour un peu plus les droits démocratiques. Lorsque ces groupes sont menacés, il est primordial de nous faire l’écho de leurs cris d’alerte et de les soutenir. Il en dépend du fondement des principes démocratiques et des droits humains. Car, cette parole portée à l’international, ici et ailleurs, pourrait bien être la seule voie pour la reconstruction d’une justice sociale, climatique et pour le salut de notre démocratie.

À tou.te.s ces brésilien.ne.s nous nous joindrons le 7 septembre, pour célébrer un Brésil combatif et résistant !

Les Administrateurs de l’association Autres Brésils : Luc Dufles Aldon, Erika Campelo, Jorge Da Costa, Fany Fournet, Adèle Goliot, Frederico Lyra, Glauber Sezerino, Emilie Sobac, Beatriz Rodovalho.

Photo : Midia Ninja

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 Du 25 au 29 septembre, le festival « Brésil en mouvement » (voir le programme)