Contaminations

Anomalies et accidents en série à la centrale nucléaire du Tricastin

Contaminations

par Sophie Chapelle

La Vallée du Rhône, région la plus nucléarisée d’Europe avec ses 14 réacteurs, a fait l’objet d’une nouvelle alerte ces derniers jours. L’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin a été arrêté en urgence le 24 octobre. En cause, les fortes précipitations qui ont chargé en boue les eaux du canal de Donzère-Mondragon. L’une des pompes qui prélève l’eau du canal pour le circuit de refroidissement secondaire du réacteur numéro 2 n’a plus fonctionné. « Le réacteur s’est arrêté automatiquement » souligne EDF, exploitant de la centrale. Qui précise que « l’eau du canal est utilisée pour refroidir le circuit secondaire des installations, dans la partie non nucléaire ». Le système de pompe chargé de refroidir le cœur n’aurait donc pas été touché. « Nos agents ont brassé la boue pour que l’amas se dissolve dans l’eau », a relaté une représentante d’EDF au journal Midi Libre, avant que l’unité de production ne soit remise en route le 26 octobre.

Mais pour la coordination anti-nucléaire du Sud-est, « c’est une situation totalement nouvelle et qui n’a jamais vraiment été envisagée lors de la conception des centrales nucléaires (...) : la qualité médiocre de l’eau de refroidissement. Pas assez "liquide" et fluide elle ne peut pas jouer le rôle dévolu, bloque le fonctionnement des pompes de prélèvement, perturbe le débit nécessaire et à terme peut les détériorer. » Les militants exigent d’EDF de « sérieux contrôles » de tous les réacteurs du Tricastin dont l’état est « inconnu », et ce alors que « la situation est plus que tendue ». Troisième centrale la plus âgée du parc français, elle figure aussi parmi les cinq centrales les plus exposées au risque sismique, alors qu’une vingtaine de fissures ont été détectées sur la cuve du réacteur n°1, relève Greenpeace.

Série d’accidents

Le collectif anti-nucléaire rappelle également que trois salariés de la centrale ont été touchés le 7 octobre par « des liquides radioactifs lors de l’explosion d’un système de pompe hydraulique au cœur de la zone contrôlée, entre les réacteurs 3 et 4 ». De son côté, la direction de la communication d’EDF évoque simplement « un souffle d’air qui s’est échappé de la tuyauterie sur laquelle ils travaillaient. » EDF a par ailleurs déclaré à l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire, « une évolution anormale » de Tritium dans les eaux souterraines de la centrale nucléaire du Tricastin. Le Tritium est l’un des principaux radionucléides émis par les réacteurs et les installations de traitement du combustible usé. L’inspection conduite le 28 août par l’ASN révèle que ces niveaux anormaux de radioactivité sont constatés depuis le mois de juillet 2013...

« Alors que la moyenne de contamination par le Tritium des eaux souterraines était dans les 12 derniers mois de 15 Bq/l (becquerel par litre, ndlr), elle a atteint depuis le 8 juillet 2013 un niveau de 180Bq/l et même, au niveau du radier du réacteur n°3, une activité de 690Bq/l », souligne le collectif. Soit 12 à 46 fois la valeur dite « normale ». Si l’ASN affirme que les niveaux de tritium observés depuis juillet « ne présentent pas d’enjeu significatif pour la santé et l’environnement », elle a toutefois prescrit à EDF de déterminer l’origine de la présence anormale de tritium sous la centrale, afin de les remettre « au plus vite » en conformité. Or, un mois et demi plus tard, « la fuite de tritium radioactif entre les réacteurs 2 et 3 se poursuit », affirme les antinucléaires locaux. Ces derniers demandent dans un courrier adressé à l’ASN le 25 septembre, de « prononcer la mise à l’arrêt immédiat des 4 réacteurs nucléaires de la centrale du Tricastin ». Une demande restée à ce jour sans réponse.