Violence sociale

À Marseille, « voilà des années que nous nous battons pour nos droits et contre le mépris des institutions »

Violence sociale

par Jean de Peña, Pierre Isnard-Dupuy

Le 5 novembre à Marseille, deux immeubles se sont effondrés dans le quartier populaire de Noailles, tuant huit personnes. Sur place, médias, associations et collectifs d’habitants dénoncent une situation connue de longue date, résultat d’une « stratégie de pourrissement » délibérée de la part de la mairie. Les opérations d’aménagement qui s’enchaînent dans le centre-ville s’accompagnent d’une éviction progressive des milieux populaires au profit de populations plus aisées. Exposant cette politique et ses effets délétères au grand jour, le drame de la rue d’Aubagne est également en train de catalyser un puissant mouvement d’opposition local.

À 9h05, le 5 novembre 2018, les 63 et 65 rue d’Aubagne [1] se sont effondrés. Ça s’est passé dans le quartier de Noailles, qui avec son marché, ses échoppes multicolores et ses restaurants bon marché, est le cœur battant de l’un des derniers centres-villes populaires d’Europe. Huit corps ont été retrouvés dans les décombres. Libération a dressé le portrait de ces personnes qui se trouvaient au numéro 65. Fabien était un artiste peintre de 52 ans. Marie-Emmanuelle, une artiste verrière de 56 ans. Simona, une étudiante italienne de 30 ans, a été emportée avec son ami en visite, Niasse, âgé de 26 ans. Julien, un Franco-péruvien de 30 ans, s’était installé depuis peu à Marseille. Ouloume, 55 ans, comorienne, venait de déposer son fils de 9 ans à l’école. Chérif, 36 ans, un Algérien sans-papiers, était avec Taher, 58 ans, tunisien, de passage chez leur ami Rachid. Celui-ci était sorti chercher des cigarettes. À son retour, son immeuble n’était plus qu’un tas de pierres.

Autel funéraire - rue d’Aubagne / © Jean de Peña

« Les victimes sont à l’image de la population diverse du quartier », affirme Kévin Vacher, un doctorant en sociologie proche de la France insoumise, lors d’un hommage citoyen rendu un mois après l’effondrement. Il est l’un des cofondateurs du « collectif du 5 novembre : Noailles en colère » qui se bat pour que justice soit faite et pour que les droits des habitants évacués soient respectés. Ceux de la rue d’Aubagne et des rues adjacentes, mais aussi ceux des autres quartiers. Craignant une nouvelle catastrophe, la mairie de Marseille a fait évacuer dans la panique un peu plus de 1500 personnes de leurs logements [2]. Une majorité n’ont pas reçu d’arrêté de péril. Ce qui empêche les habitants de faire reconnaître leur sinistre auprès des assurances.

Un mépris qui transforme le deuil en colère

La mairie assure reloger correctement les personnes. Mais beaucoup sont envoyés « dans des hôtels où il y a des punaises de lit, ou qui sont des hôtels de passes », explique Maël Camberlein. Ce dernier habitait au 69 rue d’Aubagne, qui a été expulsé pour être « déconstruit », selon les termes de la mairie et de la préfecture. Après que le numéro 67 a été détruit, le 69 était suspecté, à son tour, de menacer les secours. Maël a été à l’hôtel avec sa compagne et sa fille de huit mois, avant de s’apercevoir qu’en tant que propriétaire-occupant, « on pouvait me réclamer les frais d’hôtel ». Désormais la famille loge chez des amis, d’appartement en appartement. D’autres évacués éprouvent des difficultés d’accès aux logements de secours, aux repas ou tout simplement à l’information. Les services de la mairie semblent insuffisants et dépassés. La solidarité des citoyens et des associations permet tant bien que mal de « pallier la déficience de la préfecture et des politiques », juge Maël.

Cette situation exceptionnelle a levé le voile sur l’habitat indigne à Marseille – insalubre ou en état de péril. Publié en 2015, le rapport de Christian Nicol, Inspecteur général de l’administration, précisait que 13 % des résidences marseillaises étaient concernées. Soit 40 000 logements et un marseillais sur huit, 100 000 personnes en tout, principalement dans « le centre ancien et les quartiers Nord ».

Au fond, les deux immeubles effondrés et l’immeuble « démonté » de la rue d’Aubagne, 2018/© Jean de Peña.
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Au fond, les deux immeubles effondrés et l’immeuble "démonté" de la rue d’Aubagne/© Jean de Peña.

Passé le choc, les Marseillais ont été plus de 10 000, de tous âges, de toutes origines ethniques et catégories sociales, à descendre par trois fois dans la rue : les 10 et 14 novembre, puis le 1er décembre. Ils étaient également nombreux dans une quatrième manifestation qui a convergé avec la marche pour le climat ce samedi 8 décembre. À chaque fois, ils ont dénoncé une « incurie de la mairie » et réclamé la démission du maire aux cris de « Gaudin assassin ! Gaudin démission ! ». En réponse, dans le déni et le mépris, l’attitude de la majorité (LR) a profondément choqué. Deux heures seulement après la marche blanche du 10 novembre, les drapeaux au fronton de la mairie n’étaient plus en berne comme l’a constaté Jean-Marie Leforestier, journaliste au site local Marsactu. Pire, Le 14 novembre, les lacrymos, envoyées dès que les manifestants sont arrivés devant la mairie, ont empêché les proches des victimes de s’exprimer publiquement.

« L’humanité, on ne l’a même pas eue ! La seule chose qu’ils savent faire, c’est nous envoyer la police »

Retour à Noailles, à 9h05, ce 5 décembre, un mois après l’effondrement. La foule rassemblée observe neuf minutes de silence en hommage aux huit victimes de la rue d’Aubagne, auxquelles s’ajoute Zineb Redouane. Cette octogénaire algérienne, habitante au 12 rue des Feuillants, qui jouxte La Canebière en contrebas du quartier de Noailles, est morte suite aux opérations policières lors de la manifestation du 1er décembre. Logée au quatrième étage, elle a reçu un tir d’éléments de grenade lacrymogène dans la tête et la poitrine, tandis qu’elle voulait fermer ses volets pour se mettre à l’abri des gaz. Elle est morte des suites d’un « choc opératoire » à l’hôpital de la Conception le dimanche 2 décembre.

Après le recueillement, la colère s’exprime de nouveau. Saïda, cousine de Chérif qui est mort dans l’effondrement, brandit à la presse un courrier du consulat algérien. « Regardez les condoléances [inscrites sur le courrier]. Est-ce que j’ai eu des condoléances de la mairie ? Ils n’ont même pas payé le cercueil ! » s’emporte Saïda. C’est le consulat algérien qui a payé le rapatriement du corps de Chérif, alors que Jean-Claude Gaudin lui-même avait assuré, lors d’une conférence de presse le 11 novembre : « Inutile de vous dire que l’on prend en charge les obsèques. »

Pendant les minutes de silence, rue d’Aubagne, le 7 décembre. Au centre Lynda. Sur sa droite sa mère, Saïda. / © Jean de Peña.

Saïda et sa fille, Lynda, ont demandé à la mairie le remboursement de leurs frais d’avion pour se rendre aux funérailles. « On a attendu toute une journée à la mairie avant d’être reçues par monsieur Xavier Méry, l’adjoint à la solidarité, nous raconte Lynda. Il nous a dit qu’il n’y aurait pas de problème pour qu’on soit remboursé mais qu’il fallait que ce soit voté en conseil municipal. Je ne savais pas que c’était si important nos 800 euros de billets ! ironise-t-elle. La seule chose que l’on a demandé à la mairie, c’est de l’humanité, et même ça on ne l’a pas eu ! Ils ne nous ont même pas mis une tente pendant la recherche dans les décombres. La seule chose qu’ils savent faire c’est nous envoyer la police. Et c’est nous gazer pour rien du tout », enrage la jeune femme. Avec sa mère et d’autres proches des victimes, elle a porté plainte contre X pour « homicide involontaire et mise en danger délibérée de la vie d’autrui ».

Sentiment d’abandon

Non loin, Fatima, 53 ans, témoigne vivre dans la peur de l’effondrement. Elle est locataire au 18 rue Jean Roque, une perpendiculaire à la rue d’Aubagne, où elle vit avec son fils adolescent. Les immeubles les plus proches de la rue d’Aubagne ont été évacués. Le sien ne l’a été que pour quelques heures le 5 novembre. Plus tard dans l’après-midi, Fatima nous fait visiter son appartement. Le mur extérieur est imbibé d’humidité. Des volets qui menaçaient de tomber ont été décrochés par les pompiers. La poutre au plafond présente une fissure et semble s’affaisser. Fatima, qui vit avec le RSA, loue ce T1 présenté comme un T2 – il manque une cloison pour séparer la chambre du séjour – pour 450 euros par mois. Elle nous présente des voisins. Dans l’appartement du premier, l’air suinte l’humidité. Deux étages au dessus, Djilali, 58 ans, vit dans une surface équivalente à l’appartement de Fatima, avec ses deux parents âgés de 83 et 76 ans. Dans leur salle de bain, le revêtement du plafond a disparu, laissant voir le plancher du niveau supérieur. « L’eau de la douche de l’appartement plus haut coule ici », nous explique Djilali.

Chez Fatima, 53 ans, qui témoigne vivre dans la peur de l’effondrement / © Jean de Peña

Dans la rue Jean Roque, que ce soit Fatima au 18, Michèle au numéro 14 – une propriétaire occupante de 75 ans qui a acheté en 1981 – ou un locataire du 15, immeuble géré par le bailleur social Logirem, tous font état d’un même sentiment d’abandon. « Les rats entrent partout. On paye des charges et il y a souvent des poubelles dans les parties communes », explique l’habitant du 15. Michèle observe une progression « de la saleté, des incivilités et l’absence de réponse des pouvoirs publics ». « Tu as l’impression que tu n’es même pas humain. Tu vis dans la peur. Quand il y a des voyous, la police ne vient pas alors que le commissariat n’est même pas à 300 mètres », observe Fatima. Pendant que nous discutons, une jeune femme passe à toute allure, mais pointe un immeuble muré. « Celui-là il va tomber ! », dit-elle. Rue Isoard, rue de la Palud, rue Nationale... partout au centre-ville, des bâtiments étayés en urgence semblent mal en point.

Un délabrement connu depuis longtemps

La situation des immeubles de la rue d’Aubagne étaient connue depuis longtemps. Le 63 avait reçu un arrêté de péril imminent en 2008, toujours valable dix ans plus tard. Le bâtiment, propriété de Marseille habitat – le bailleur social de la ville – par expropriation depuis avril 2017, était « un squelette vide », selon La Marseillaise. Les planchers et une partie de la toiture du bâtiment muré étaient tombés depuis un moment. Une semaine après l’effondrement, Le Monde et La Marseillaise ont également révélé des documents d’expertise alertant sérieusement les pouvoirs publics sur le danger du 65. Le plus ancien date de 2014.

La presse locale, en particulier le site d’information Marsactu, qui avait visité le 63 rue d’Aubagne en 2016, s’inquiétait depuis des années. En octobre, les résidents du 65 ont averti de l’état de leur immeuble. Ils furent évacués le 18 du même mois... pour seulement un après-midi, avant que les autorités ne considèrent qu’il n’y avait plus de danger [3]. Le 5 novembre, quelques minutes avant le drame, Abdelghami Mouzid, locataire au 65 rue d’Aubagne, filme, inquiet, l’état de délabrement de l’édifice. L’homme part donner l’alerte au syndic. Ce qui lui sauve la vie. Sur sa vidéo, il montre de multiples fissures, des portes qui ne se ferment plus. « Il y a urgence, vraiment, l’entend-on dire. En quelques heures, ça s’est aggravé. »

https://www.youtube-nocookie.com/watch?v=b6mMF97n8qo

Communication « catastrophique » et annulation du conseil municipal

La communication de Jean-Claude Gaudin a été désastreuse, cherchant sans convaincre à nier le résultat d’une politique de pourrissement du logement dans certains quartiers. « Évidemment que nous sommes tous, les élus, effondrés (sic) », déclarait-il par exemple, lors d’une conférence de presse le 11 novembre. À ceux qui dénoncent sa responsabilité dans la tragédie, il répond : « La spontanéité c’est de chercher le coupable, c’est de chercher le bouc émissaire. […] Sur le plan de l’éradication de l’habitat insalubre, nous avons fait beaucoup, mais pas assez sans doute. »

Jean-Claude Gaudin s’en remet désormais à la justice pour déterminer si la ville a une part de responsabilité. La mairie, le bailleur Marseille habitat, et des propriétaires d’appartement au 65 rue d’Aubagne, ont très vite été perquisitionnés. Après une enquête de flagrance, le procureur de Marseille, Xavier Tarabeux, a ouvert une information judiciaire contre X pour « homicides involontaires aggravés par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité par la loi ou le règlement et de mise en danger de la vie d’autrui ». Le processus judiciaire, avant même que des responsables ne soient désignés, sera long, de l’aveu du procureur.

Rassemblement "pour l’habitat digne et le droit à la ville" devant la Mairie centrale de Marseille, le 10 décembre / © Jean de Peña.

En attendant, l’annulation du conseil municipal – le dernier de l’année – qui devait se tenir lundi 10 décembre, n’a rien fait pour apaiser les esprits. Celui-ci avait été reporté, la veille, après une seconde manifestation qui avait tourné à l’émeute, samedi 8 décembre. « La tension que connaît notre pays actuellement nous impose la décence et la prudence nécessaires », a cru bon de justifier Jean-Claude Gaudin dans un communiqué. Sauf que la réunion devait examiner des mesures importantes pour les sinistrés, telles que les relogements et les indemnisations... Une agora s’est quand même improvisée sur la voie publique. « Voilà des années que nous nous battons pour nos droits et contre le mépris des institutions », y a résumé le porte parole du Syndicat des quartiers populaires de Marseille.

« Les élus sont pris d’un vent de panique, dépassés par leur propre stratégie d’abandon »

Pour nombre d’observateurs, la situation résulte d’une stratégie municipale destinée à gentrifier le centre-ville en écartant les populations les plus pauvres, pour les remplacer par des catégories plus aisées. Carole Lenoble, de l’association « Un centre ville pour tous », dénonce sans détour une « volonté claire, une stratégie de pourrissement et d’abandon de la mairie et de l’État qui n’ont pas mobilisé les ressources à leur disposition ». Pour l’architecte, les moyens juridiques existent mais ne sont pas utilisés : que se soit l’obligation de rénovation que peut imposer la mairie, ou le permis de louer prévu par le loi Alur de 2016. Ce dernier permet d’assurer un contrôle de la qualité des logements locatifs grâce à une autorisation préalable. Mais, enfonce Carole Lenoble, la mairie de Marseille aurait choisi « une politique de mépris qui se traduit dans le budget municipal : la ville consacre 3 millions d’euros contre l’habitat indigne et plus de 50 millions pour une patinoire. La stratégie, c’est de laisser pourrir pour racheter bon marché, parce que l’on sait que ça va prendre de la valeur grâce aux opérations d’aménagement décidées ensuite. »

« Les élus de la majorité municipale pensent que le centre-ville est un territoire Comanche, peuplé par des sauvages et qu’il faut conquérir. Ils sont issus de, et représentent, la bourgeoisie marseillaise qui se sent dépossédée du centre-ville, qui est pour elle est trop populaire. C’est de là que vient ce profond mépris », considère en des termes plus imagés Bruno Le Dantec, journaliste au « mensuel de critique sociale » CQFD, et auteur de La Ville sans nom, Marseille dans la bouche de ceux qui l’assassinent [4].

L’ouvrage rassemble de nombreuses citations des élites politiques de la ville, hostiles aux populations désargentées. « Le Marseille populaire, ce n’est pas le Marseille maghrébin, ce n’est pas le Marseille comorien. Le centre a été envahi par la population étrangère, les Marseillais sont partis. Moi, je rénove, je lutte contre les marchands de sommeil et je fais revenir des habitants qui payent des impôts », déclarait par exemple Jean-Claude Gaudin en décembre 2001. Loin, très loin de certains de ses propos du 11 novembre 2018 : « Je suis dans la catégorie des maires humanistes qui ont toujours voulu une ville fraternelle, une ville généreuse, une ville ouverte ». Pour Bruno Le Dantec, dans le moment très particulier de cette fin 2018, « les élus sont pris d’un vent de panique, dépassés par leur propre stratégie d’abandon ». Néanmoins, loin de renverser la vapeur, « cette situation va créer des effets d’aubaine. Des spéculateurs vont en profiter pour venir rafler des îlots expulsés », anticipe le journaliste. À ce jour, le retour dans leur immeuble ou leur quartier des personnes évacuées ne tient qu’à des déclarations de principe de la mairie ou du gouvernement, accueillies par la plus grande méfiance.

« Les gens commencent à se révolter, il était temps »

L’effondrement du 5 novembre pourrait-il avoir pour conséquence d’accélérer l’éviction des populations du centre-ville ? L’essayiste et réalisateur Alèssi Dell’Umbria, une des figures de la contestation locale, s’inquiète d’une possible « stratégie du choc » [5]. Mais « les gens commencent à se révolter, il était temps », se félicite-t-il. À quelques centaines de mètres de la rue d’Aubagne, le réaménagement de la Plaine se poursuit, suscitant lui aussi une très forte opposition (Lire notre reportage du 17 octobre). La mairie et la Soléam – la société mixte d’aménagement de la métropole marseillaise – entendent rénover coûte que coûte la plus grande place du centre de Marseille. Mais une partie des habitants pointe là encore une volonté de « montée en gamme », destinée à gentrifier le quartier. Pour mettre fin à l’opposition physique qui s’est déployée face au chantier, un mur en béton de 2,50 mètres de haut a été érigé, pour un coût de 390 000 euros. « La violence sur la Plaine a transformé le quartier le plus ouvert de Marseille en prison à ciel ouvert », tance Alèssi Dell’Umbria. Ce dernier participe, tout comme Bruno Le Dantec, à l’« Assemblée de la Plaine » qui organise la contestation. Le slogan « 20 millions pour détruire La Plaine et pas une thune pour sauver Noailles » s’affiche sur les murs de la ville, en guise de résumé de la politique municipale.

Recueillement inter-religieux et laïc en hommage aux 8 personnes décédées le 5 novembre / © Jean de Peña.

À Noailles, « le ministre a affirmé un droit au retour dans "la mixité sociale". Or dans un quartier populaire, cela veut dire ramener des gens plus riches », s’inquiète Maël Camberlein qui a participé à la réunion en préfecture avec le ministre Julien Denormandie, le 29 novembre. Les pouvoirs publics se refusent toujours à appliquer la possibilité de réquisitionner des logements vides, prévue par une ordonnance de 1945. « Il y a 1000 logements vides sur la rue de la République, selon un rapport que l’on a fait en 2016. Les réquisitionner permettrait de reloger tous les évacués », expose Patrick Lacoste, urbaniste et président d’« Un centre ville pour tous ».

L’association et le collectif du 5 novembre plaident pour la mise en place d’une opération d’intérêt national (OIN), mais qui soit placée sous contrôle citoyen. L’État envisage plutôt de confier la tâche à l’établissement public d’aménagement Euro-méditerranée, très critiqué pour sa gestion de l’opération d’aménagement de la rue de la République, dont la population était d’une grande mixité sociale, et dont l’immobilier est désormais géré par des fonds de pension. L’organisme est aussi mis en cause au sujet des quartiers d’Arenc et des Crottes – dont l’aménagement est en cours – où les expropriations chassent des habitants pauvres vers les quartiers périphériques. « Pour que les gens soient mélangés, il faut que certains partent », avait clairement annoncé en 2000 Gérard Chenoz, le conseiller municipal qui a conduit l’opération de la rue de la République, désormais président de la Soléam. Mais avec le drame de la rue d’Aubagne, violent et dramatique retour de réalité, l’heure de faire les comptes a bel et bien sonné.

Pierre Isnard-Dupuy (texte), Jean de Peña (Photos)

Photo de une : Après les minutes de silence en mémoire des victimes de l’effondrement rue d’Aubagne, le 5 décembre.

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A regarder aussi ici

Notes

[1À lire, ce portrait de la rue d’Aubagne dans Le Monde du 16 novembre.

[2Le quotidien La Marseillaise tient une comptabilité régulière sous forme de carte des évacués, sous le hashtag #Balance ton taudis.

[3Voir Marsactu, 8 novembre 2018..

[5En référence à la théorie de la journaliste et essayiste canadienne Naomi Klein. Voir La stratégie du choc, aux éditions Actes Sud. Naomi Klein y raconte la manière dont le capitalisme contemporain sait prospérer sur des catastrophes naturelles – comme l’ouragan Katrina aux États-Unis en 2005 – ou des événement politiques majeurs – comme des coups d’État ou des guerres – et des effet de sidération qu’ils génèrent sur les populations.