Robert Ménard à Béziers : option sécuritaire et mesures anti-sociales

par Thomas Clerget

Deux mois et deux conseils municipaux après l’investiture de Robert Ménard, élu maire avec le soutien du FN, une première série de décisions a rapidement attiré l’attention sur Béziers, l’une des quatorze villes françaises gagnées par l’extrême-droite. Sans surprise, une option sécuritaire se dessine, avec un doublement des effectifs de la police municipale sur la durée du mandat. Dix nouveaux agents, en plus des quarante déjà présents, sont en passe d’être recrutés. Autre mesure remarquée : une interdiction de circuler la nuit, du vendredi au dimanche soir, a été décidée pour les mineurs de moins de treize ans. Le couvre-feu s’appliquera du 15 juin au 15 septembre sur deux zones distinctes, soit l’hyper-centre et la Devèze, les deux quartiers les plus populaires de la ville. Robert Ménard n’hésite pas à justifier la mesure par les risque d’« atteintes à leur intégrité physique et morale, notamment en cas de rassemblements nocturnes, de rixes ou de disputes, de trafics divers ».

« Ordre esthétique »

Plus surprenante, une interdiction d’étendre son linge et de battre ses tapis par les fenêtres en journée, sous prétexte d’« attractivité économique et touristique de la ville notamment en matière d’ordre esthétique », cible les mêmes quartiers, confirmant des orientations socialement très sélectives. Jusqu’à verser dans la discrimination pure et simple ? Pour les élèves des écoles primaires, une délibération a restreint, à partir de la rentrée, l’accueil avant 8h30 aux seuls enfants dont les deux parents travaillent.

Une décision immédiatement dénoncée par l’opposition et attaquée par Aimé Couquet, élu du PCF, qui en demande l’annulation au sous-préfet, invoquant le principe d’« égalité d’accès au service public ». « C’était déjà en place pour les maternelles, je ne fais que l’étendre aux primaires », se défend Robert Ménard. Autre surprise pour les écoliers : le maire souhaite leur distribuer un uniforme gris portant le blason de la ville. « La blouse gomme les disparités de fortune », a-t-il justifié face à l’agitation déclenchée par cette annonce au conseil municipal du 27 mai. Rendons invisibles les inégalités sociales mais, surtout, ne tentons pas de les combattre [1] !

Austérité pour l’action sociale

Au nom de la réduction des impôts, ce sont 800 000 euros d’économies qui auraient été votées sur les budgets de l’éducation et de l’aide sociale, selon la conseillère d’opposition PS et ancienne députée Dolorès Roqué. De fait, le conseil municipal du 27 mai a entériné une diminution de 365 000 euros sur la subvention versée au Centre communal d’action sociale (CCAS), qui gère notamment l’aide alimentaire et l’aide à domicile, différents services de soutien aux personnes âgées, à la jeunesse ou encore au logement. Soit une baisse de près de 10 % de son budget. Une décision dont la légalité est elle aussi contestée par Aimé Couquet.

Autre indicateur de la ligne choisie par le maire, les nominations au sein du cabinet. Deux choix ont fait couler beaucoup d’encre : d’une part celui d’André-Yves Beck, idéologue du maire d’extrême droite Jacques Bompard à Orange pendant 19 ans, comme directeur de cabinet, d’autre part celui de Christophe Pacotte, ancien membre de Troisième voie et fondateur de Nouvelle résistance, deux groupuscules de l’ultra-droite, comme chef de cabinet.

Pas de deux avec le FN

Ces nominations étaient au centre d’un étonnant pas de deux entre Robert Ménard et le Front national. Après avoir affiché son soutien au candidat, puis associé Béziers à ses victoires municipales, le FN a pris quelques distances avec l’édile biterrois : « Il y a peut-être une certaine contradiction à dire « je ne suis pas Front national » comme s’il s’agissait d’un épouvantail, tout en prenant à son cabinet des gens qui sont beaucoup plus radicaux que ne le sera jamais le FN », a déclaré Louis Aliot, le 7 mai sur France Culture. Un positionnement que ne renie pas l’intéressé : « Nous sommes en désaccord sur certaines questions de société. J’étais présent aux Manifs pour tous, contre le mariage gay, mais je n’ai jamais vu Marine Le Pen. Elle a une prudence que je n’ai pas. »

La passe d’armes entre Robert Ménard et le vice-président du FN paraîtrait presque trop bien réglée pour être authentique. Béziers est-elle amenée à devenir un laboratoire pour la ligne dure de l’extrême droite, obligeant le FN à afficher, pour la galerie, un minimum de prise de distance ? Cette querelle entre Ménard et le FN, « c’est de l’enfumage », estime Dolorès Roqué, qui appartient à la même génération que l’ancien secrétaire général de Reporters sans frontières, croisé durant leur enfance commune à Béziers. Avant de conclure, dubitative : « On a l’impression d’avoir à faire à un personnage, à quelqu’un qui joue un jeu. Parfois, ça part dans tous les sens. Pourra-t-on tenir six ans à ce rythme ? »

Notes

[1« Ce n’est pas en occultant les différences sociales qu’on les fera disparaître » répondait déjà, en 2004, Gérard Aschieri, du syndicat enseignant FSU, à François Baroin (UMP), à l’occasion d’un échange qui rappelle combien la question revient de manière cyclique dans le débat politique français.