Contre marketing

Détournement massif de panneaux publicitaires pour dénoncer les responsables du réchauffement

Contre marketing

par Sophie Chapelle

« Pas de pub ? pas de regrets. » C’est l’un des slogans que les passants ont pu découvrir le 27 novembre, sur quelque 600 panneaux publicitaires parisiens appartenant à JCDecaux. Non, ce n’est pas une initiative du groupe spécialisé dans la publicité urbaine à l’occasion de la COP21. Ses panneaux ont été détournés pour « dénoncer la mainmise des multinationales sur les négociations climatiques », explique le collectif anglais Brandalism, à l’origine de cette action de détournement, en plein état d’urgence. Ce collectif (dont le nom est la contraction de « Brand », « marque » en français, et de « vandalisme ») a déjà organisé deux des plus importantes campagnes de « publicité subversive » au Royaume-Uni. Comme en témoigne cette vidéo, des militants ont revêtu des tenues d’employés de JCDecaux, pour remplacer les véritables publicités par leurs propres affiches.

JCDecaux, premier groupe industriel mondial de la publicité urbaine, n’a pas été visé par hasard. Selon des notes internes du secrétariat en charge de l’organisation de la COP21, dont l’association Attac a pu prendre connaissance, l’entreprise finance à hauteur de 253 000 euros la conférence sur le climat [1]. « Nous reprenons possession des espaces publicitaires car nous voulons dénoncer le rôle que la publicité joue en faisant la promotion d’un consumérisme insoutenable, souligne l’un des artistes ayant participé au projet Brandalism. L’industrie publicitaire nourrit nos désirs pour des produits qui reposent sur l’exploitation des énergies fossiles et qui ont un impact direct sur le changement climatique. » 80 artistes de 19 pays [2] ont pris part à l’opération pour révéler les connections entre publicité, hyper-consommation, dépendance aux énergies fossiles et changements climatiques.

Actions subversives

D’autres sponsors des négociations climatiques tels qu’Air France (400 000 euros de contribution à la COP21) ou Engie (ex-GDF Suez, 436 000 euros) sont parodiés dans les affiches. « S’attaquer au problème du changement climatique ? Bien sûr que non. Nous sommes une compagnie aérienne », affiche par exemple une fausse pub Air France mettent en scène une hôtesse de l’air. « En sponsorisant les négociations climatiques, des pollueurs importants tels qu’Air France et Engie peuvent faire leur promotion comme s’ils faisaient partie de la solution, alors qu’ils font en fait partie du problème », explique Joe Elan de Brandalism.

Plusieurs affiches invitent également les gens à prendre la rue dans le cadre des « Climate Games », une opération appelant à des actions de désobéissance civile, et à dénoncer la conférence « Solutions 21 », une exposition des grandes entreprises qui se tient au Grand Palais durant les négociations climatiques (notre enquête).

Dans les heures qui ont suivi l’action, JC Decaux a fait savoir que « toutes les fausses affiches seraient enlevées ». Mais pour le collectif français Résistance à l’agression publicitaire (RAP), « le double discours n’est pas acceptable ». « D’un coté, les pouvoirs publics appellent à l’éco-geste, de l’autre, ils vendent l’espace public et, en fin de compte, nos regards et nos pensées, aux publicitaires qui nous appellent à acheter toujours plus », expliquent-ils dans un communiqué. Le Rap appelle à recouvrir les panneaux de publicité dans l’espace public et les transports publics pendant la COP21, « pour à la fois exprimer notre rejet du système publicitaire et appeler les dirigeants à la responsabilité » [3].

Photos : © Brandalism