Alternatives agricoles

La Bretagne décide de rompre avec le modèle productiviste

Alternatives agricoles

par Raphaël Baldos

Depuis 2008, dans les Côtes d’Armor, le financement public de l’agriculture est réservé aux petits exploitants engagés dans une démarche de développement durable. Un bonus sera même accordé à ceux qui passent en bio. Tout le contraire de la Politique agricole commune (PAC) qui déverse des milliards de subventions sans se soucier des conditions de productions, et des pollutions qu’engendre l’agriculture industrielle.

Une agriculture solidaire et respectueuse de l’environnement est-elle possible ? Le conseil général des Côtes d’Armor en a fait le pari. Il a adopté, il y a un an, de nouvelles orientations stratégiques qui donnent la priorité à l’agriculture bio et durable, aux labels de qualité et aux petites exploitations. Et qui excluent le soutien aux cultures OGM. « Nous considérons que le modèle agricole breton (productivisme au détriment de l’environnement) est dépassé », explique Hervé Tanguy, directeur de l’agriculture et du développement durable au conseil général. « Pour affronter la concurrence internationale, il faut améliorer la qualité des produits, encourager l’innovation et diversifier les productions. »

Ces nouvelles orientations font suite à un travail de réflexion et de concertation entamé en 2006. Une centaine de personnes issues de syndicats agricoles, de coopératives, de lycées agricoles, de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et du monde associatif ont été auditionnées par la commission de l’agriculture et du développement durable. Des personnalités, comme Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire et expert à la Commission européenne sur les OGM, ont rappelé les limites actuelles de notre modèle de développement : épuisement des ressources naturelles, pollution du milieu, etc. Au printemps 2007, le conseil général a sollicité l’avis de l’Observatoire départemental du développement durable (O3D) – composé d’élus, de représentants des services de l’Etat, des chambres consulaires et d’associations – puis en janvier 2008, il est passé à l’action, avec l’adoption des nouveaux principes d’intervention.

OGM non grata

Le département va désormais conditionner son soutien au respect de la réglementation environnementale, à l’adhésion à une charte de qualité et à l’absence d’OGM sur l’exploitation. Un bonus sera à accordé à ceux qui iront le plus loin possible dans leur démarche de développement durable. Le taux des subventions ou leur plafonnement seront alors plus élevés. Exemple : l’aide pour les bâtiments de porcs sur paille passera de 20 à 30% s’il s’agit d’élevages en bio ou labellisés. Le bonus peut concerner aussi une démarche globale, comme la réalisation d’un diagnostic énergétique de l’exploitation pour obtenir une aide à la production d’énergie renouvelable, ou la vente des produits de la ferme en circuit court (marchés, systèmes de paniers).
Mais que se passera-t-il pour ceux qui n’ont pas les moyens d’obtenir la certification biologique ou un label ? « Une dérogation pourra être accordée aux exploitants en difficulté, avec un délai de trois ans pour s’inscrire dans une certification ou pour s’engager dans une démarche globale de qualité », répond Joël Ollivier, directeur adjoint de l’agriculture.

Un budget de 13 millions d’euros

« La part de notre budget consacré à l’agriculture, 13 millions d’euros, représente bien peu par rapport aux 160 millions d’aides directes de la Politique commune européenne (PAC). C’est pour cela que nos aides cibleront les exploitations qui en ont le plus besoin », précise Hervé Tanguy. Ce choix budgétaire se justifie aussi par l’ampleur du secteur agricole dans l’économie du département : l’espace agricole occupe 70% du territoire, 10% des actifs sont paysans, et l’agroalimentaire représente 46% des emplois industriels.
Les aides aux organismes agricoles seront, elles aussi, conditionnées : seules les actions en cohérence avec les priorités du conseil général seront financées. Les comices et autres foires devront également prendre en compte le développement durable. Exemples : assurer une bonne gestion des déchets, favoriser l’accès des handicapés... Les projets collectifs d’agriculteurs devront, comme pour les initiatives individuelles, respecter un socle de base pour accéder aux aides : engagement dans une démarche de qualité ; études de marché ; autofinancement, transparence financière (production de documents comptables). Ils pourront obtenir davantage s’ils approfondissent leur démarche, notamment en créant une filière non OGM, en pratiquant le commerce équitable ou une gestion sociale des emplois.
Cette petite révolution dans le monde agricole n’est pas prête de s’arrêter : le conseil général prépare déjà de nouveaux dispositifs facilitant l’acquisition de terres par les jeunes agriculteurs.