Mobilisation internationale

Dix ans après Seattle, ça risque de chauffer à Copenhague

Mobilisation internationale

par Ivan du Roy, Sophie Chapelle

Du 12 au 18 décembre, la « société civile » appelle à faire pression sur les négociations par des actions et manifestations. Mais comment s’y retrouver entre les différents mouvements - « Climate Action Network », « Climate Justice Now ! », « Ultimatum climatique » ou « Never Trust A Cop » - qui regroupent associations, syndicats, partis politiques ou groupes affinitaires ? Avant la grande manifestation du 12 décembre, Basta! fait le point sur les différentes coalitions, leurs modes d’actions, ce qui les unit ou ce qui les sépare. Sachant que les « black blocs » européens se sont aussi donnés rendez-vous dans la capitale danoise et appellent à « anéantir la production capitaliste »…

© crédits : Collectif à-vif(s) [1]

Les échanges fusent dans le Klimaforum, le sommet alternatif à la Conférence des Nations unies sur le Climat. Pendant que les gouvernements négocient, les représentants de la « société civile » planchent sur une déclaration. Celle-ci doit être rendue publique avant la manifestation du 12 décembre. « Elle vise à exprimer les espoirs, les idées et les visions de groupes de citoyens et de mouvements sociaux du monde entier », rappelle une des animatrices. Autant dire que la tâche est peut-être aussi difficile que de mettre d’accord plus de 190 pays, même si cette déclaration fait l’objet d’une consultation depuis septembre via un forum de discussion.

Dans les couloirs du Klimaforum, des mots comme « justice climatique », « civilisation post-pétrole », « relocalisation » s’échappent des salles de réunions. Grâce à une subvention du gouvernement danois d’un million d’euros, cet espace alternatif offre un large éventail d’ateliers, de débats, d’expositions, d’événements culturels juste à côté de la gare centrale de Copenhague. Des mouvements sociaux et environnementaux danois et internationaux organisent ensemble l’événement, dont le Réseau « Climate Justice Now ! » (CJN).

Fausses solutions pour vrai problème

CJN ! (Justice Climatique Maintenant !) s’emploie « à dénoncer les fausses solutions à la crise climatique que promeuvent ces gouvernements ». Ces fausses solutions, selon le réseau d’ONG, ce sont « la libéralisation des échanges, la privatisation, les marchés carbone des forêts, les agrocarburants et la compensation carbone ». Constitué lors de la Convention Cadre réunie à Bali en décembre 2007, CJN ! est formé de plus de 160 réseaux d’organisations de solidarité et de mouvements sociaux dont les Amis de la Terre International, Via Campesina, Focus on the Global South ou Attac. Ce réseau est incarné en France par le collectif Urgence Climatique Justice Sociale qui regroupe des ONG, associations ou syndicats, et soutenus par des partis politiques (des Verts au NPA en passant par le Parti de gauche, les jeunes socialistes ou l’Union démocratique bretonne). Tous sont convaincus que « seule une véritable pression citoyenne permettra d’obtenir des politiques écologiquement efficaces et justes socialement ».

Reconnu comme négociateur et interlocuteur de l’ONU sur le climat, CJN ! contribue à la visibilité du Forum des peuples indigènes qui, sans ce réseau, ne serait pas représenté dans les négociations. Les membres du CJN ! rappellent qu’ils « ne mèneront pas [leurs] luttes seulement dans les négociations climatiques, mais sur le terrain et dans la rue, pour promouvoir de véritables solutions » parmi lesquelles la souveraineté des peuples sur l’énergie, les forêts, la terre et l’eau, la réduction drastique du gaspillage dans le Nord, l’investissement dans les énergies renouvelables contrôlées par les communautés.

Pour ou contre le recours au marché pour réduire la pollution ?

Alors que « les solutions constructives à la crise climatique » font leur chemin dans le Klimaforum, la campagne Tcktcktck remettait mardi 8 décembre 10 millions de signatures à Yvo de Boer, le secrétaire général de l’UNFCCC. Tcktcktck est une campagne internationale menée par le Climate Action Network (CAN), l’interlocuteur historique et principal des gouvernements dans les négociations internationales. Regroupant 500 ONG environnementales dans le monde, dont Greenpeace ou WWF, ce réseau « attend avec impatience le jour où les négociateurs et ministres s’attaqueront ensemble au défi d’obtenir un accord réellement juste, ambitieux et juridiquement contraignant ». Un tel accord impliquerait pour le CAN des réductions des pays industrialisés de 25 à 40 % ainsi que leur soutien financier et technologique aux pays en voie de développement. Mais à l’inverse du CJN ! fermement opposé aux marchés carbone, le CAN estime qu’ « un marché du carbone renforcé peut jouer un rôle important dans le financement et le transfert de technologies pour la réduction des émissions, y compris dans les pays en développement ».

La question du recours aux mécanismes du marché (bourse d’échange de droits à polluer, cours du carbone...) est l’un des principaux points de divergence entre représentants de la société civile. Autre enjeu crucial : celui de l’emploi. Une réduction massive des activités polluantes fait planer un risque sur les emplois des secteurs industriels, notamment sidérurgique. Comment alors donner la possibilité à ces salariés de se reconvertir dans d’autres secteurs, comme les énergies renouvelables ? Cette préoccupation, peu présente chez les grandes ONG environnementales, est portée par la Confédération syndicale internationale ou ceux qui associent justice sociale et lutte contre le réchauffement climatique.

En France, c’est le Collectif Ultimatum Climatique composé d’organisations environnementales et de solidarité internationale, qui remettait à Nicolas Sarkozy jeudi 10 novembre plus de 540 000 signatures pour « prendre la tête de ce combat [contre le dérèglement climatique] ». Un des modes d’actions essentiel de Tcktcktck comme de l’Ultimatum climatique est la flash-mob, une mobilisation - éclair rassemblant des citoyens pour « faire un maximum de bruit ».

Actions de désobéissance civile

Point de convergence entre l’ensemble des réseaux cités, la manifestation internationale du 12 décembre partira du centre de Copenhague pour aboutir au Bella Center . « Nous la voulons amicale et familiale », précise l’un des organisateurs. Bien que la Confédération syndicale du Danemark ne soit pas réellement impliquée, une partie de ses syndicats mobilise pour cette journée, également relayée par les Confédérations européenne et internationale. La mobilisation de Copenhague est pressentie comme devant être le pendant climatique des grandes mobilisations altermondialistes contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1999 à Seattle, contre le G8 à Gênes en 2001, à Evian en 2003 ou lors du sommet de l’Otan à Strasbourg au printemps 2009.

Dans le cortège, un bloc devrait être constitué sous le slogan « changeons le système, pas le climat » rassemblant l’ensemble des organisations membres de Climate Justice Now ! et du mouvement Climate Justice Action. Le Climate Justice Action (CJA) est un mouvement international essentiellement néerlandais, scandinave et danois, se réclamant d’actions de désobéissance civile. On retrouve dans cette plateforme des groupes activistes danois ainsi que des participants au réseau CJN !. L’action Réclamer le pouvoir du 16 décembre devrait marquer les négociations. « Nous voulons interrompre les sessions de négociations à l’intérieur du Bella Center et inviter à la création d’une Assemblée citoyenne temporaire entre mouvements sociaux et négociateurs », explique Anna, du CJA. Des délégations d’ONG et de pays – Evo Morales et Hugo Chavez pourraient y participer - ont déjà prévu de quitter symboliquement les négociations officielles pour rejoindre cette initiative. « Le Togo bougera seulement si les Pays les moins avancés décident de bouger ensemble », explique Sena Alouca, directeur de l’ONG Jeunes volontaires pour l’environnement. « Nous souhaitons que cette assemblée co-organisée par Climate Justice Now ! suscite plus d’espoirs que les négociations, ajoute Anna, qu’elle soit le début d’un grand rassemblement pour la justice climatique ».

Copenhague, rendez-vous des black blocs européens

Le collectif Never Trust A Cop (Ne jamais faire confiance à une conférence des parties, ou ne jamais faire confiance à un flic, jeu de mots avec « cop », qui signifie aussi flic en anglais) constitue la frange radicale. Il devrait jouer les troubles fêtes en participant aux manifestations sous la forme de « black blocs » et prévoit des actions pour « anéantir la production capitaliste ». Formé en avril 2009, Never Trust A Cop est « composé d’individus souhaitant lier les luttes sociales et climatiques basées sur des analyses anticapitalistes pour mobiliser contre le sommet de la COP15 ». Le 18 décembre, ses membres appellent à une guerre contre le capitalisme. En réponse, le gouvernement danois vient de faire adopter une loi donnant de vastes pouvoirs à la police et renforce le contrôle à ses frontières. L’ambiance « family friendly » risque de ne pas vraiment être au rendez-vous.

Sophie Chapelle et Ivan du Roy

De Marseille à Bayonne, de Toulouse à Amiens, la liste des mobilisations en France :

Notes

[1Du 6 au 19 décembre 2009, les photographes du collectif à-vif(s) sont à Copenhague pour la Conférence des Nations unies sur le climat. En publiant quotidiennement des reportages photographiques et sonores, ils portent un regard subjectif sur une ville, théâtre d’un évènement planétaire surmédiatisé. Chaque jour, en collaboration avec les sites mouvements.info,
Mediapart.fr et m-e-dium.net des collectifs et des organisations participant à l’événement, l’équipe d’à-vif(s) vous convie à suivre en ligne le sommet du climat sous un angle original et décalé.