Propagande

Le dialogue entre jeunes et police, selon Brice Hortefeux

Propagande

par Agnès Rousseaux

Une association proche de Serge Dassault, des amis de Fadela Amara… tels sont les « représentants » des jeunes de banlieue invités le 31 août par le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux pour mettre en scène devant les caméras sa curieuse conception du « dialogue » et du « respect » entre police et jeunes des quartiers populaires. Pendant ce temps, la Place Beauvau attaque en diffamation des habitants de Bagnolet dont le témoignage ne correspond pas à la version officielle de la mort, début août, du jeune Yakou Sanogo.

Photo : Jean-Michel Sicot

Sympathique réunion de rentrée au ministère de l’Intérieur en ce lundi 31 Août. Brice Hortefeux, accompagné de Fadela Amara, Martin Hirsch et Xavier Darcos, organisait une rencontre très médiatisée sur les rapports entre jeunes et police, en présence des responsables des services de police et de personnes censées représenter des associations de jeunes et de banlieue.

Cette initiative avait été annoncée suite au décès, le 9 août, du jeune Yakou Sanogo qui tentait d’échapper à un contrôle de police, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), et des incidents qui en ont découlé. Pour Brice Hortefeux, cette réunion serait un point de départ pour construire un nouveau dialogue entre les jeunes et les forces de l’ordre : « le respect doit être mutuel. La police doit naturellement respecter les jeunes, mais les jeunes doivent aussi respecter la police. Chacun doit faire un bout de chemin vers l’autre. Pour y parvenir, nous avons eu pendant près de deux heures un premier échange direct, ouvert et sans tabou », déclare-t-il dans son communiqué.

Sans tabou... Problème : le casting laisse à désirer et la représentativité des associations présentes n’est pas des plus crédibles. Le ministre a en effet préféré inviter l’association Raid d’Aventure, dont le président d’honneur n’est autre que le sénateur UMP Serge Dassault, patron du Figaro et ancien maire de Corbeil-Essonne dont l’élection a été invalidée par le Conseil d’Etat suite à des achats de vote, plutôt que le Collectif banlieue respect, créé en 2005 au lendemain des émeutes dans les quartiers populaires. Ce collectif, qui regroupe une centaine d’associations, regrette de ne pas avoir été convié et dénonce « une opération marketing qui ne changera rien dans les quartiers ».

Comme le souligne un article du Monde, Fadela Amara avait aussi « pioché dans ses réseaux personnels » : « Ni putes ni soumises (NPNS), d’abord, dont l’actuelle présidente, Sihem Habchi – qui a succédé à Fadela Amara à ce poste – s’est félicitée, devant les caméras, de l’approche préventive choisie par le gouvernement. Même chose pour SOS-Racisme, resté proche de la secrétaire d’Etat : son président, Dominique Sopo, a ainsi salué le "dialogue engagé" et souhaité un "travail fructueux". »

La présidente de Ni putes ni soumises propose, selon le Bondy Blog, d’organiser des « stages au sein de la police, même pour le personnel associatif »... Dominique Sopo (SOS Racisme) a suggéré la proposition suivante : « un jeune se fait contrôler, l’officier lui délivre un billet, comme ça il n’aura pas à se refaire contrôler par la patrouille d’après. On évite les contrôles à répétition ! ». A ce rythme, SOS-Racisme proposera bientôt l’instauration de laissez-passer. De brillantes idées qui règleront sans aucun doute le problème des discriminations et des « bavures » mortelles à répétition.

Des participants triés sur le volet, une image de consensus artificiel offerte aux médias... en terme de dialogue « social » on peut faire mieux, comme le souligne un de participants : « J’ai senti plus de sincérité chez les politiques que chez les membres associatifs qui ont pris la parole », raconte Larsen, un ancien rappeur investi dans le secteur associatif.

Le ministre a annoncé la mise en place de cinq commissions de travail, avant de fixer un nouveau rendez-vous dans deux mois. Et d’indiquer quelques mesures immédiates et concrètes qu’il allait mettre en œuvre dès cette semaine. Notamment son engagement à rappeler « avec fermeté aux directeurs départementaux de la sécurité publique et aux commandants de groupement de gendarmerie, les règles élémentaires de courtoisie qui s’imposent naturellement dans les relations entre les forces de sécurité et la population, quelle que soit sa classe d’âge. C’est, avant tout, une question de bon sens. »

Brice Hortefeux a également indiqué la création dans les prochaines semaines d’une équipe de conciliation, « composée d’une personnalité indépendante, d’un psychologue, d’un communicant et d’un haut fonctionnaire », qui aura pour mission « d’intervenir ponctuellement sur le terrain en vue de désamorcer des situations susceptibles de s’embraser ». Tout un programme pour quatre personnes qui ne connaissent pas grand chose à la réalité des quartiers.

Cette opération de communication-propagande permet à Brice Hortefeux de s’ériger en défenseur du dialogue et du « respect », alors même qu’il vient d’initier une procédure judiciaire à l’encontre de plusieurs habitants de Bagnolet pour « diffamation envers la police nationale ». Il leur est reproché, lors du décès du jeune Yakou Sanogo, d’avoir témoigné (anonymement) dans les médias et laissé entendre que la police était à l’origine de ce décès. Des propos jugés a priori diffamatoires par le ministre alors que seule une enquête interne est en cours. Les personnes invitées à témoigner par l’Inspection générale des services se garderont bien, désormais, de contredire la version officielle. Une démonstration de la manière dont Brice Hortefeux respecte les habitants et leur parole.

Agnès Rousseaux