Moratoire

Gaz de schiste : la loi anti-fracturation bientôt annulée ?

Moratoire

par Sophie Chapelle

Une trentaine de militants ont occupé le 21 septembre la plate-forme de forage de la compagnie états-unienne Hess Oil, à Jouarre, en Seine-et-Marne. Pendant plus de cinq heures, la foreuse a été immobilisée et recouverte d’une banderole « Stop Forages » par le collectif des « Dindons de la farce ». Un nom qui fait écho à l’embrouillamini qui se déroule en coulisse, entre pétroliers, juristes et institutions. La loi du 13 juillet 2011 interdit bien la fracturation hydraulique pour extraire les gaz de schiste. Mais tous les permis de recherche ciblant les hydrocarbures non-conventionnels n’ont pas été annulés (voir la carte). C’est le cas du permis de Château-Thierry, sur lequel s’est basé la compagnie américaine Hess Oil pour forer à Jouarre.

Dans ce cas, que se passe-t-il autour du derrick ? Officiellement, rien d’incompatible avec la nouvelle législation, se défend la société américaine qui a réalisé plusieurs forages préparatoires cette année sur le site. Hess Oil prétend qu’il ne s’agit là que d’un programme de recherche destiné à analyser les réserves de pétrole conventionnel et d’une simple mise à jour cartographique du sous-sol du bassin parisien. « Pourquoi cherche-t-elle des hydrocarbures qu’elle ne pourrait pas exploiter ? interroge le collectif. Difficile d’imaginer qu’un industriel entreprenne ces opérations coûteuses (12 millions d’euros par forage, soit plusieurs dizaines de millions d’euros par permis) sans attendre un possible retour sur investissement. »

Les collectifs « non au pétrole et gaz de schiste et de houille » craignent que l’interdiction de fracturation hydraulique ne soit bientôt levée. La compagnie texane Schuepbach, dont deux permis d’exploration ont été annulés, a en effet déposé un recours qui sera examiné par le Conseil constitutionnel ce 24 septembre. La compagnie demande l’annulation des articles 1 et 3 de la loi interdisant la fracturation hydraulique [1]. Motifs : la loi serait à la fois discriminatoire car elle autorise la fracturation pour la géothermie, et inintelligible car elle ne définirait pas précisément la notion de « fracturation hydraulique ».

Si le Conseil constitutionnel retoquait la loi, une période de non-droit s’ouvrirait pendant laquelle les titulaires de permis encore valides pourraient forer. Les collectifs sont inquiets car les dix recours juridiques « demandant le maintien de la loi ont tous été rejetés par le secrétaire général du Conseil constitutionnel, sans avoir été transmis pour être examinés sur le fond ». La décision devrait être rendue début octobre.

Notes

[1- Article 1er : Interdiction de l’exploration et de l’exploitation des huiles et gaz de schiste par des forages utilisant la technique dite de la fracturation hydraulique de la roche en application du principe de précaution inscrit à l’article 5 de la Charte de l’environnement.
 Article 3 : Modifications du code de l’environnement visant à encadrer l’octroi de la concession de mines et la délivrance de certains permis exclusifs de recherches, en imposant notamment l’organisation préalable d’une enquête publique.