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Altermondialistes, soutenons la lutte du peuple syrien

Tribune

par Rédaction

Et si l’avenir des révolutions arabes se jouait aujourd’hui en Syrie ? Des militants associatifs et altermondialistes rappellent l’importance de soutenir l’insurrection citoyenne et démocratique en cours contre le régime de Bachar el-Assad, y compris en les aidant à se procurer des armes, comme ce fut le cas en Bosnie-Herzégovine face aux milices nationalistes serbes. « L’échec du soulèvement populaire en Syrie serait un signal catastrophique pour tous les peuples de la région », dont les Palestiniens, écrivent-ils.

Les révolutions arabes ont ouvert un siècle qui sera celui des soulèvements populaires contre les régimes dictatoriaux de par le monde.

Ces mouvements populaires, qui ont comme cibles l’injustice et les inégalités, l’oppression et le mépris, la corruption et le clanisme, ont des racines profondes qui expliquent leur caractère massif, intergénérationnel (partout la jeunesse y a joué un rôle prédominant), interconfessionnel, la diversité des classes et couches sociales qui y participent, leur durée, leur permanence.

Éviter le piège de la guerre civile inter-ethnique

En Syrie, depuis plus d’un an et demi, malgré la répression ce sont des millions de manifestants pacifiques qui ont exigé des réformes. Sur internet on peut visionner des dizaines de milliers de vidéos des manifestations et de la répression filmées par des milliers d’activistes.

Pour expliquer la pérennité du régime, certains affirment qu’il conserve une base populaire et cherchent à minimiser la part de la population qui lui est opposée. Certes, le pouvoir en place a le soutien d’une partie de la communauté Alaouite. Ce régime a tout fait pour mettre en danger celle-ci afin de s’assurer de son soutien. Cependant, malgré les massacres, commis par les milices du régime, il y a eu très peu de représailles de la part des révolutionnaires, ceux-ci voulant éviter le piège de la guerre civile inter-ethnique et inter-religieuse dans lequel le pouvoir cherche à les attirer.

Non, la vraie raison pour lequel ce régime criminel résiste est son fonctionnement de clan fermé et le soutien militaire et économique que lui apportent la Russie et l’Iran. L’armée est sous le contrôle des services de sécurité. Toute tentative d’évasion ou toute attitude suspecte signifie une exécution sommaire.

Un régime fossoyeur de la lutte des Palestiniens

Par ailleurs, il est temps d’en finir avec le mythe du régime syrien des Assad, soutien de la lutte du peuple palestinien ! Israël n’a guère eu à se plaindre de ce régime : il a détruit la force militaire des palestiniens au Liban et assuré le calme sur la frontière du Golan depuis 1973. De plus, une large partie des 500.000 palestiniens réfugiés dans des camps en Syrie se mobilise désormais aux côtés des révolutionnaires syriens.

Comme depuis quarante ans, chaque fois qu’il a été en difficulté, le régime a dénoncé un complot « impérialiste, sioniste, réactionnaire arabe » et expliqué que la guerre en cours était le fruit de l’ingérence étrangère. Mais depuis ses origines ce régime n’a jamais mis en danger les intérêts des puissances occidentales tout en nouant d’excellentes relations avec l’Union soviétique puis avec la Russie de Poutine, et en concluant une alliance avec la République Islamique d’Iran.

Le soulèvement du peuple syrien n’a pas été importé, ou alors... par les virus tunisien et égyptien ! En réalité le mouvement populaire, pacifique, puis accompagné d’une résistance armée, a plongé les puissances mondiales et régionales, d’abord dans la surprise par la durée et la ténacité de sa lutte, puis dans l’embarras.

Pseudo anti-impérialisme

Il est étonnant de constater que des partis, des mouvements, des personnes se réclamant de l’anti-impérialisme, de la lutte pour les droits sociaux et démocratiques, semblent également de plus en plus embarrassés au point de se réfugier dans le « ni Assad, ni soutien au mouvement contre le régime ». Il est consternant, de constater que des dirigeants d’Etats, des partis, des mouvements, se réclamant de l’anti-impérialisme aient « trié » dans ces luttes populaires pour n’en soutenir que certaines, voire les aient toutes rejetées !

Il est révoltant d’entendre certains se réclamant d’un anti-impérialisme intransigeant proclamer que ces mouvements ne sont que le résultat de manœuvres pour faire tomber des régimes aussi « anti-impérialistes » que ceux de Kadhafi et d’Assad, pourtant alliés des Etats Unis et des Etats européens et exploiteurs de leurs peuples !

Il est ahurissant d’entendre certains affirmer, que ces soulèvements populaires ne sont, pour l’essentiel, que l’instrument d’un « complot » organisé quelque part entre Washington et Ryad pour mettre au pouvoir des islamistes pro-occidentaux !

Ingérence des Occidentaux et des pétromonarchies ?

Enfin certains admettent qu’un tel mouvement populaire ne peut se réduire à un complot de l’étranger mais estiment que l’irruption de la résistance armée (et en son sein de groupes armés relevant notamment de l’islamisme radical) plonge la Syrie dans un bain de sang, prend en otage la population civile, exacerbe les différends confessionnels, et rend ainsi impossible une issue pacifique. Dès lors, ils en déduisent que cette résistance armée est due à l’ingérence des Occidentaux et des pétromonarchies !

D’évidence, les grandes puissances et les puissances régionales n’ont jamais cessé de s’intéresser à la Syrie. Mais, cette fois les « ingérences étrangères » n’ont pas précédé mais suivi le développement des affrontements et notamment le déclenchement par le régime de la guerre intérieure contre son peuple, option délibérément choisie à la fin de l’été 2011.

L’échec du soulèvement populaire en Syrie serait un signal catastrophique pour tous les peuples de la région, et notamment pour la lutte du peuple palestinien. Ce le serait aussi pour tous les peuples de par le monde qui sont encore sous le joug de régimes dictatoriaux. Il faut que les mouvements qui se réclament de la solidarité internationale, de l’anti-impérialisme, du mouvement altermondialiste et progressiste, développent soutien et solidarité avec la lutte du peuple syrien, c’est à dire :

 le soutien à toutes les initiatives d’aide à tous les réfugiés et l’envoi de moyens humanitaires ;
 l’appui au mouvement démocratique et populaire dans sa diversité, l’aide aux médias libres et indépendants ;
 le soutien à toutes les initiatives de dialogue intercommunautaire et de refus de la guerre ethnique et confessionnelle ;
 le soutien du refus par la résistance syrienne des tutelles étrangères.

Vers le recours aux armes chimiques ?

Mais refuser toute tutelle étrangère (iranienne, russe, occidentale et du Golfe) ne signifie pas refuser le droit et les moyens de se défendre. Combattre les tutelles extérieures signifie aider les révolutionnaires syriens à pouvoir se défendre en toute indépendance. Depuis quelques semaines le mouvement de résistance au régime a pris un nouvel essor. Il combine manifestations de résistance non violente de masse et avancées des fronts armés. Des bases militaires sont tombées et le mouvement de désertion s’amplifie, les combats ont désormais gagné les faubourgs de Damas, le régime multiplie les raids aériens et ses milices redoublent de violence.

On ne doit pas exclure, qu’acculé, le régime de Bachar El-Assad utilise des armes chimiques.

Alors oui, le soutien à la lutte du peuple syrien c’est aussi accepter les demandes des organisations représentatives du soulèvement populaire de lui fournir des armes qui lui permettent de s’opposer aux bombardements aériens et d’entraver l’invasion des chars.

Monique Crinon, militante féministe, responsable d’association de solidarité internationale, Bernard Dreano, responsable d’associations de solidarité internationale, Gilles Manceron, historien, Farid-Frédéric Sarkis, membre fondateur de l’association Sortir du colonialisme, Claude Szatan, militant d’association de solidarité internationale, Emmanuel Terray, anthropologue.