Proposition de loi

Des députés veulent taxer l’immobilier de luxe pour lutter contre l’habitat indigne

Proposition de loi

par Linda Maziz

Trois députés socialistes ont déposé un amendement au projet de loi des finances pour taxer les transactions dans l’immobilier « de prestige ». Objectif : dégager des ressources pour réhabiliter les 600 000 logements indignes et en finir avec l’insalubrité. De son côté l’UMP dénonce « une chasse aux riches ».

Prendre l’argent des riches pour le donner aux pauvres. Il y a un peu de ça derrière l’amendement que Mathieu Hanotin, député (PS) de Seine-Saint-Denis, s’apprête à déposer avec deux de ses collègues socialistes Régis Juanico (Loire) et Audrey Linkenheld (Nord), dans le cadre du projet de loi de Finances 2013. L’idée ? Taxer les achats de l’immobilier de luxe pour mieux financer la réhabilitation de l’habitat indigne. « Une mesure de justice et de solidarité », résume l’auteur de la proposition. « Il est complètement intolérable de voir qu’il y a des ventes qui se font à des tarifs qui n’ont plus rien à voir avec la réalité. Simplement parce qu’elles reposent sur le prestige. »

Dans le 8e arrondissement de Paris, les biens d’exception peuvent ainsi se vendre plus de 20 000 euros le m2. Et c’est un marché qui ne cesse de progresser malgré la crise : au deuxième trimestre 2012, le volume des ventes d’immobilier de prestige réalisé par le réseau d’agences « Sotheby’s International Realty France Monaco » a progressé de 23 % comparé à 2011, et de 49% au troisième trimestre [1] !

600 000 logements indignes

« Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, dans ma circonscription par exemple, vous avez des taudis dans lesquels les gens s’entassent. Les enfants souffrent de saturnisme. Il y a un mois, trois personnes sont mortes dans un incendie. A cause de l’insalubrité, c’est l’ensemble de l’immeuble qui a brûlé », déplore le député, également vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Il souligne l’urgence de la situation au regard des 600 000 logements indignes répertoriés en France.

C’est de ce constat qu’est né son projet de mettre à contribution les clients fortunés de l’immobilier de luxe pour augmenter les ressources affectées à la lutte contre l’habitat insalubre. Serait visée par cette nouvelle taxe, toute acquisition d’une propriété de plus d’un million d’euros, à partir du moment où celle-ci est assujettie au droit de mutation à titre onéreux (DMTO). « C’est l’appartement avec vue sur la Tour Eiffel, l’hôtel particulier sur les Champs Élysées, la villa sur la Côte d’Azur..., détaille le député. L’année dernière, cela représentait 7 à 8 000 acheteurs, soit environ 1% des transactions immobilières ».

Taxer l’économie improductive

Un segment de niche donc, mais qui pourrait rapporter plusieurs dizaines voire centaines de millions d’euros. Indexée sur le prix de vente, cette taxe serait de l’ordre de 1 % pour les montants situés entre un et deux millions d’euros. Progressive, elle serait portée à 2 % pour les biens négociés deux à trois millions et s’échelonnerait ainsi jusqu’à un seuil maximal de 10 % au-delà de 10 millions. Le fruit de ces nouvelles recettes sera reversé pour moitié aux actions de l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et pour moitié à celles de l’Anah (Agence nationale de l’habitat).

« Il ne s’agit pas de taxer pour renflouer le déficit, mais bien de taxer de l’économie improductive pour le réinvestir immédiatement dans de l’économie productive. C’est une mesure créatrice de richesses et d’emplois », assure l’élu, en évoquant la participation des PME et TPE dans la réhabilitation des logements. Taxer de la rente donc, mais pas seulement. Derrière cette mesure, il y a aussi la volonté « de mettre à contribution ceux qui ne payent pas d’impôts directs en France et de les faire participer à l’effort national ». « 50 % des acquéreurs de biens au-delà de 5 millions d’euros sont non résidents fiscaux en France. A Paris, une cinquantaine de ventes au-dessus de 10 millions d’euros sont réalisées chaque année, et dans 85 % des cas, par des acheteurs étrangers », rappellent les auteurs de l’amendement.

Benoist Apparu dénonce « une chasse aux riches »

L’avenir de leur proposition se jouera le 24 octobre à l’Assemblée. L’amendement sera examiné en commission des finances élargie, dans le cadre du Budget 2013. Confiant, Mathieu Hanotin affirme que « cette perspective a déjà séduit nombre de [ses] camarades socialistes ». Mais en ces temps de renoncement, mieux vaut rester prudent. Du côté de l’opposition, Benoist Apparu, ancien ministre UMP du Logement, a dénoncé, devant les caméras de BFM TV, « la volonté manifeste du parti socialiste et du gouvernement d’organiser une chasse aux riches » et prédit que « les gens vont investir ailleurs ».

Une éternelle rengaine qui fait sourire Mathieu Hanotin. « Qu’il se rassure, la Tour Eiffel et la Côte d’Azur resteront toujours en France, comme tout ce qui fait le prestige de notre pays », sourit-il. Et le député d’ajouter que « l’année dernière, il y a eu sur ce type de biens une hausse de 20 % des prix, basée sur une spéculation du marché. A partir du moment où cette augmentation n’a fait peur à personne, j’ai du mal à voir comment une taxe située entre 1 et 10 % maximum empêcherait les riches d’investir et les chasserait hors de France ». Le gouvernement partagera-t-il son optimisme ?

Linda Maziz

 Lire l’amendement « Financement de la résorption de l’habitat insalubre
par une taxe sur les ventes immobilières de luxe » :

Photo : source

Notes

[1Le volume des ventes de cette agence devrait représenter entre 600 et 700 millions d’euros de transactions en 2012.