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Agrocarburants : les industriels menacent la Commission européenne

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par Sophie Chapelle

La Commission européenne a présenté aujourd’hui une proposition visant à plafonner à 5 % le taux des agrocarburants mélangés aux hydrocarbures classiques destinés aux transports. Les agrocarburants concernés sont ceux produits à partir de denrées alimentaires (blé, maïs, betteraves, colza....). L’objectif de parvenir, d’ici 2020, à 10 % d’énergies renouvelables dans la consommation du secteur des transports reste, lui, inchangé [1].

Alors que l’Union européenne n’avait cessé de promouvoir les agrocarburants, cette décision vise désormais à réduire leur impact négatif sur les prix de l’alimentation alors que les cours des céréales atteignent des sommets (lire notre article). La Commission cherche également à encourager des agrocarburants qui n’entrent pas en concurrence avec la production alimentaire, comme les agrocarburants à base d’algues, de déchets ou de paille.

Menace de poursuites en justice

Ce coup de frein au développement des agrocarburants de première génération rend furieux les industriels. D’autant que la croissance du secteur, largement subventionné, était prometteuse : + 26,1 % pour le bioéthanol et + 11,1 % pour le biodiesel en 2010. L’association européenne des producteurs d’éthanol, ePure, a menacé d’intenter un procès contre la Commission européenne.

Son directeur général, Rob Vierhout, a déclaré auprès du site d’information EurActiv : « Si personne n’investit plus dans notre secteur, je pense que nous devrions poursuivre la Commission européenne pour avoir tué une industrie », ajoutant : « Vous pouvez oublier les biocarburants de deuxième génération, nous n’investirons pas davantage dans ce secteur. » Fusion de l’Union européenne des producteurs d’alcools (UEPA) et de l’association des producteurs de bioéthanol (EBIO), ePure compte plus de 150 membres dont les multinationales française Tereos et américaine Cargill, spécialistes de l’accaparement de terres (lire notre enquête).

Menacer les institutions européennes de poursuites en justice serait-il devenu le nouveau mode d’action de certaines entreprises pour protéger leurs intérêts ? En mai 2012, le groupe suédois Vattenfall a déposé une requête en arbitrage auprès d’un organisme de la Banque Mondiale contre la décision de l’Allemagne d’abandonner la production de nucléaire. L’entreprise suédoise demande au gouvernement allemand 700 millions d’euros d’indemnités.

Notes

[1Dans le cadre de la directive de 2009 sur les énergies renouvelables, exigeant de tous les États membres de l’UE que 20 % de toute l’énergie utilisée soit produite à partir de sources renouvelables d’ici à 2020, un objectif contraignant avait été introduit pour garantir que 10 % de l’énergie utilisée dans le secteur des transports proviennent de sources renouvelables d’ici 2020.