Spéculation

Un trader fantôme perturbe Wall Street

Spéculation

par Agnès Rousseaux

Un mystérieux programme informatique serait impliqué dans 4 % des échanges boursiers effectués aux États-Unis la semaine dernière. Soit plus de 6 milliards de dollars de transactions quotidiennes ! Le processus a été mis en évidence par Nanex, une société spécialisée dans l’analyse de données boursières, qui détecte les anomalies à Wall Street.

Les transactions se font de plus en plus vite grâce à des ordinateurs, pilotés par des algorithmes qui achètent et revendent en une fraction de seconde des titres boursiers. C’est le « trading haute fréquence » (High Frequency Trading). L’algorithme concerné a effectué entre 200 et 1000 ordres d’achat – aussitôt annulés – pendant des périodes de 25 millisecondes, du 1er au 5 octobre. Soit 20 millions de cotations par jour, sur 500 titres différents, estime Nanex. Ces achats en masse concerneraient jusqu’à 80 % des cotations sur une micro-période. Cet incident montre « qu’une seule personne peut avoir un impact énorme sur le marché », analyse le responsable de Nanex, Eric Hunsader, interrogé par la chaine économique états-unienne CNBC.

« Bourrage des cotations »

Quel était l’objectif de ce ou ces traders invisibles ? Tester le marché peut-être. Ou provoquer une saturation de la bande passante, utilisée pour émettre des ordres boursiers. L’algorithme inconnu a en effet monopolisé jusqu’à 10% de la bande passante, ralentissant les échanges des autres traders, ce qui a pu permettre à certains d’optimiser leurs gains. Cette pratique, appelée « quote stuffing », consiste à opérer un bourrage des cotations par l’émission d’ordres complètement inutiles, souvent de manière répétitive, ce qui ralentit les concurrents en les forçant à analyser toutes ces émissions. Le quote stuffing permet aussi de masquer une stratégie de trading, en dissimulant de très gros ordres, découpés en de multiples petites opérations.

La pratique du trading haute fréquence, achat et vente de titres par ordinateur à la vitesse de microsecondes, concerne aujourd’hui plus de la moitié des transactions financières. Elle serait à l’origine du « krach éclair », qui a eu lieu à Wall Street en mai 2010. Le Parlement européen discute actuellement d’une régulation de ces échanges, qui à cause de leur vitesse et de leur complexité croissante, échappent de plus en plus à tout contrôle – et sont de plus en plus déconnectés de l’économie réelle.

Voir le graphique montrant l’activité boursière de cet algorithme.