Altermondialisme

En direct du Forum social africain

Altermondialisme

par Rédaction

Le 5e Forum social africain se tient à Niamey, capitale du Niger. Zoul, militant français de l’association Survie et travaillant pour un réseau d’organisations paysannes raconte son voyage, dans la sphère altermondialiste du continent noir.

Zoul est membre de Survie, de l’association Inter-réseaux développement rural et du Collectif pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (CADTM). Il anime également un blog sur lequel vous pouvez suivre ses pérégrinations.

« En 2006, j’avais déjà eu la chance de participer à la deuxième édition du Forum Social du Niger,
organisé autour de l’association Alternative Niger, par de nombreuses
organisations de la « société civile » nigérienne. Cette fois-ci, on
change d’échelle, puisque c’est toute l’Afrique qui est attendue à Niamey,
et même le monde, puisqu’on attend de nombreux participants d’Europe,
d’Asie et des Amériques.

En deux ans, beaucoup de choses ont changé au Niger. On pense évidemment au conflit du Nord-Niger qui s’installe dans la durée, provoqué entre autre par l’exigence d’une meilleure répartition des bénéfices immenses
liées à l’exploitation des ressources naturelles. La France et Areva ne sont plus seules à avoir de l’appétit pour la formidable richesse des sous-sols
nigériens. La délivrance, dans la plus totale opacité, de plus de
120 permis de recherches et d’exploitations ont amenés un groupe
d’individus à former le Mouvement des Nigériens pour la Justice, qui a
pris les armes, affrontent l’armée nigérienne et dérangent les
multinationales. Par ailleurs, le président Tandja a mis intelligemment à l’ombre son principal allié, ancien premier ministre Hamadou Hama qui croupit en prison depuis presque 6 mois, et qui constituait alors son principal
adversaire pour les prochaines présidentielles.

"Tazarché !"

"Continuer !" Vous n’y échapperez pas dans tout le Niger. C’est l’esprit du
temps, l’ambiance qui est dans l’air, irrespirable. Les nigériens semblent
mystifiés et se préparent déjà à voir Tandja effectuer son troisième
mandat, pourtant interdit par la constitution. Comme on l’a souvent connu
dans la sous-région, il est difficile de quitter le pouvoir : ce Monsieur
veut continuer coûte que coûte. La tension, pour ne pas dire la guerre,
au Nord lui permettrait ainsi de se prolonger ad vitam eternam.

Me voilà donc en route pour Niamey, et déjà dans l’avion, j’ai la chance
de tomber entre deux personnes fort sympathiques : Chloé Leprince,
journaliste à Rue89, qui vient faire une formation « webmédias » à des
journalistes africains, dont mon ami togolais Dimas Dzikodo, et Guy Désiré
Yaméogo, principal responsable du marché du film du Fespaco, le premier
festival de cinéma africain, qui rentre tout juste du Brésil.

A l’aéroport, mieux vaut avoir son carnet de vaccination, si l’on veut
s’éviter quelques négociations fastidieuses. Avec un peu de tact et de
bonne humeur, on finit par se comprendre. Dehors, Idrissa Moumouni,
chargé de communication de la Plateforme Paysanne du Niger nous accueille
chaleureusement, puis nous accompagne dans une auberge, qui par chance fait face à une buvette qui propose la
traditionnelle, et particulièrement de rigueur « conjoncture » : une bière locale un peu moins chère que les autres, qu’on
consomme surtout en temps de crise. La soirée a continué au groupe Alternative où l’ambiance pré-forum est
déjà là. Je retrouve de nombreux amis, et suis accueilli avec une chaleur
incroyable, qui donne l’impression qu’un rien de temps s’est écoulé depuis
mon dernier séjour, qui remonte pourtant à deux ans.

Premier jour

Mon premier jour ici commence par une visite à la
Plateforme Paysanne, qui place le
droit à l’alimentation, l’agriculture familiale et les valeurs et savoirs
paysans au coeur de son action. Beaucoup de promesses en lien avec le
programme de la semaine puisque les paysans du Niger, mais aussi de la
sous-région, seront mobilisés pour un grand forum autour de la souveraineté
alimentaire qui réunira plus de 400 participants.

On voudrait continuer notre route, mais on nous chasse de l’hôtel, réservé
pour la délégation ivoirienne. Peu de choix s’offre à nous, et c’est un
peu contraint que nous nous rendons dans un hôtel de grand standing - d’où
je vous écris - dans une espèce de suite présidentielle énorme. Ça coûte
vraiment cher, mais c’est original, et pour le
moins contradictoire pour des participants à un forum social. Je me
demande si je ne vais pas rejoindre le camp des jeunes dès demain, même si
pour des raisons professionnelles, il semble plus sage que je ne m’éloigne pas trop de mon collègue.

La journée continue donc au siège d’Alternatives, où les inscriptions sont
en cours. L’activité frénétique annonce un forum d’envergure, même
si les coupures de courant de la « Coupelec » nous privent parfois de nos
principaux outils de travail. Un repas enfilé et la chaleur nous abat.
On rencontre aussi un groupe d’espagnols sympas, croisé quelques années
plus tôt, à Ouagadougou, à l’occasion d’une commémoration en mémoire de Thomas Sankara.

Grosse fiesta

Je prends
la route de la frontière avec le Burkina pour accueillir les caravanes en
provenance du Sénégal, du Nigeria et qui sont passés dans les différents
pays pour prendre des passagers. Grosse fiesta à la descente du bus, même
si nos amis sont fatigués. Les sénégalais sont dans des bus depuis cinq jours
maintenant !

On les laisse donc continuer vers le stade où ils seront logés, tandis que
je m’arrête à l’université. S’y déroule une grande soirée culturelle, avec
des sketchs comiques joués par les étudiants, tous plus drôles et réussis
les uns que les autres. Le concert est plus difficile, en playback
essentiellement et
avec une sono qui commence à sérieusement fatiguer.
Sur la route, j’ai l’occasion de discuter longuement de la préparation
du forum, avec Abdourahamane, du Réseau des Journalistes pour les Droits
de l’homme, pièce-maitresse du forum que je connais depuis Porto Alegre en
2003, et avec Maestro Abdoul, un jeune technicien passionné de son qui
travaille à la radio Alternative.

Mais je garde ça pour demain soir, si j’ai encore un peu d’énergie car je
dois me lever à 8h pour aller en brousse pour un atelier d’écriture sur
les savoirs paysans. Je serai de retour sur Niamey à la mi-journée pour la
marche puis la cérémonie d’ouverture et le concert sur une
place publique de la ville.

A très bientôt ! »

Zoul