Hospitalité

Comment se loger sans argent tout en voyageant

Hospitalité

par Benjamin Lesage

Voici le deuxième volet du témoignage des trois jeunes Européens partis pour un tour du monde sans argent. Après se déplacer sans un sou, comment se loger gratuitement, grâce notamment aux occupations et aux squats qui se multiplient dans le monde entier. Ou quand une culture du partage émerge sur les ruines de la crise immobilière.

Durant notre voyage, nous avons vu un grand nombre de gens à la rue. À Recife, au Brésil, le centre-ville a été peu a peu délaissé par les investisseurs. Des centaines d’anciennes maisons coloniales sont abandonnées. Sur les trottoirs, des dizaines et des dizaines de sans-abri. Le contraste est choquant. La situation est pourtant similaire dans de nombreux pays.

Nous avons aussi visité de nombreux squats, des maisons ou des immeubles occupés temporairement par des habitants en quête d’alternative. Plus particulièrement en Espagne, où la crise immobilière de 2008 a mis des milliers de gens dans les rues et des dizaines d’entreprises immobilières en faillite. Le squat se pratique depuis longtemps à Barcelone. Beaucoup d’immigrés d’Afrique du Nord ou d’Amérique latine occupent par nécessité. Nous avons aussi rencontré toute une génération de jeunes alternatifs qui refusent le droit de propriété et revendiquent l’occupation de maisons vides comme un droit citoyen.

Beaucoup de squats sont tolérés par les autorités car les habitants y organisent ateliers et activités pour animer le quartier et la communauté. À Tarragona, à quelques kilomètres au sud de Barcelone, nous rencontrons trois jeunes musiciens qui occupent une grande maison d’au moins 10 chambres, abandonnée depuis plusieurs années. Ils ont été contactés par le propriétaire. Il a accepté de les laisser habiter la demeure s’ils promettaient de la nettoyer et de la maintenir en état. Ils y organisent des ateliers de yoga, de danse et de musique.

Culture du partage

Dans les îles Canaries, nous sommes restés un mois dans la « Tomatera », un squat où vivait une dizaine de personnes. Une entreprise immobilière a fait faillite et tout un pâté de maisons s’est retrouvé sans propriétaire. Ils en ont donc profité pour s’y installer. Ils payent leur électricité et leur eau, et organisent des soirées cinéma.

Dans la ville de Mexico, Chanti Ollin est un squat qui a résisté aux expulsions pendant plus de huit ans : un immeuble entier avec plus de 20 chambres. Le propriétaire n’a pas de permis de construire, il ne peut donc rien faire sur ce terrain… et se retrouve obligé de tolérer les occupants. Il leur paye même l’électricité ! Ils ont un studio d’enregistrement, un four a bois, des toilettes sèches, un compost et un potager sur le toit, plusieurs ateliers de danse, de tissage traditionnel, et même de construction de « bicymachines » : des appareils électroménagers fonctionnant avec des bicyclettes. José, l’un des occupants, insiste pour préciser que ce lieu est avant tout un centre culturel, un lieu pour créer une nouvelle culture fondée sur le partage et l’équité pour tous.

Enfin, nous avons visité un squat dans la région d’Oakland aux États-Unis, une ville rendue célèbre par des émeutes et le mouvement « Occupy Wall Street West ». Là encore, beaucoup de maisons abandonnées. Neuf personnes vivent dans ce squat depuis un an. Ils ont trouvé un panneau solaire pour avoir un peu d’électricité et publient des pamphlets sur l’anarchisme et l’occupation de maisons. La clé, c’est « d’avoir de bonnes relations avec les voisins. Avant, il n’y avait que des drogués qui venaient ici, maintenant, l’endroit est propre, et les voisins apprécient ça », expliquent-ils.

Squatter un canapé

Se loger gratuitement, dans le cadre de notre voyage sans argent, est plus facile que de se déplacer. S’habituer à dormir sur le sol et sous une tente suffisent. Il y a aussi le site Internet Couchsurfing, une initiative gratuite qui permet aux gens du monde entier de se contacter pour offrir un canapé ou une chambre d’amis pour le pur plaisir de recevoir un inconnu. L’idée peut faire peur mais le site est organisé de façon à ce que chaque personne ait un profil avec les commentaires des gens qui l’ont rencontrée pour s’assurer que cette personne est de bonne foi. Cette expérience permet de connaître les gens du coin, de faire de belles rencontres et de partager ses expériences.

Un échange est aussi souvent possible avec les habitants : trouver quelqu’un qui a une chambre de libre et lui rendre un service en échange. Par exemple, Raphael est maintenant à Berlin avec sa copine Nieves et leur nouveau-né, Alma Lucia, ils s’occupent de nettoyer le jardin. Ils peuvent ainsi rester dans une petite maison qui est inoccupée. L’électricité, l’eau et le gaz sont à la charge du propriétaire en échange du travail fourni.

Bien entendu, la solution la plus cohérente serait de s’isoler dans la nature et de construire sa propre maison, son tipi ou une yourte… Ce sera pour plus tard. Nous sommes à la recherche d’un terrain que quelqu’un voudrait bien nous céder. Il y a aussi les villages abandonnés. En raison de l’exode continu vers les villes, des villages entiers se vident.

Benjamin Lesage

Photo : Sterneck

Lire le volet #1 : Voyager sans un sou en poche, c’est possible