Moratoire sur le MON 810

José Bové : « La bataille des OGM n’est pas terminée »

Moratoire sur le MON 810

par Ivan du Roy

Ça y est, c’est fait. La culture du maïs MON 810 est provisoirement interdite en France. La clause de sauvegarde a été activée par le gouvernement le 11 janvier au soir. José Bové, qui avait entamé une grève de la faim le 3 janvier, réagit à cette annonce, et nous parle un peu du rôle qu’il compte jouer à gauche.

Cet article a été initialement publié dans l’hebdomadaire Témoignage Chrétien

C’est un José Bové fatigué qui reçoit les visiteurs rue de la Banque, au ministère de la crise du logement, où avec une quinzaine d’autres « faucheurs volontaires » il a suivi une grève de la faim pendant neuf jours. Pas facile de se reposer entre une visite amicale du député et ancien gréviste de la faim Jean Lassalle (Modem), une délégation du Conseil régional d’Île-de-France, l’annonce de l’avis de la Haute autorité sur le maïs OGM Mon 810, et l’attente d’une déclaration présidentielle. C’est en fait un discret communiqué de Matignon qui annonce, dans la soirée du 11 janvier, la décision française d’activer la clause de sauvegarde.

La clause de sauvegarde signifie-t-elle une victoire totale et définitive pour l’interdiction des OGM en plein champs ?

Non. Sa mise en oeuvre signifie en fait un moratoire. C’est la suspension de l’utilisation sur le territoire français du maïs Monsanto 810, et uniquement de celui-ci qui est pour l’instant le seul autorisé. Cela ne durera qu’une saison, à moins que la réévaluation du Mon 810, qui doit avoir lieu au niveau européen courant 2008, se traduise par son retrait du marché européen. La clause de sauvegarde est cependant une étape très importante parce que symbolique. Ce serait la première fois que la France prend une telle décision et se place en position offensive sur la question des OGM. A partir du 5 février, le débat sur la loi va commencer. Il y a un travail de sensibilisation énorme à faire auprès des députés et des sénateurs sur le seuil minimal de contamination. Cette loi peut soit organiser la contamination générale, soit protéger ceux qui n’utilisent pas d’OGM. La bataille n’est pas terminée.

Après dix ans de luttes sur la question, qu’est-ce qui a fait penché la balance en faveur des anti-OGM ?

D’abord une prise de conscience. Celle-ci a amené au Grenelle de l’environnement à prendre des conclusions très clair sur les OGM : la clause de sauvegarde, une loi qui protège qui protège la liberté et le droit de produire et de consommer sans OGM. Le fait qu’il y ait consensus là dessus a débouché sur une prise de décision. Il y a eu des blocages, et c’est pour cela que nous avons entamé une grève de la faim. Rappelons que 85% des Français sont favorables à un moratoire. De plus en plus de gens comprennent que les OGM n’ont pas d’avenir.

Le Grenelle de l’environnement a donc joué un rôle positif ?

J’avais salué les avancées du Grenelle sur les OGM, ce qui a étonné certains. A partir du moment où il y a des avancées dans un combat que nous menons, il faut le reconnaître, quel que soit le pouvoir en place qui les annonce.

Vous attendez-vous à un retour en force du lobby pro-OGM ?

Il se manifeste en permanence. Quand nous avons commencé la grève de la faim, nous avons senti un retour en force des semenciers, des multinationales et de la FNSEA pour essayer, chaque jour, de contrecarrer jusque au plus haut niveau de l’Etat le projet de clause de sauvegarde.

Envisagez-vous de vous attaquer aux expérimentations OGM en milieu confiné, ou estimez-vous qu’il est normal de poursuivre ces recherches scientifiques ?

Pour les faucheurs, le combat est très clairement la dissémination en milieu ouvert, que ce soit des essais ou des cultures commerciales. La transgenèse existe en milieu confiné, en laboratoires ou dans des fermentateurs pour faire des médicaments. Ce n’est pas le même débat. La transgenèse est d’abord un outil. C’est la transformation de l’outil comme une fin en soi qui pose problème avec la mise en culture en plein champs.

Vous sentez-vous encore en phase avec la nouvelle direction de la Confédération paysanne, jugée plus à droite que la précédente ?

La moitié du Comité national de la Conf’ est passé nous voir. Nous sommes tous sur le même combat.

Quel bilan avez-vous tiré de l’échec de votre candidature lors de la présidentielle ?

Je ne sais pas s’il faut mélanger les genres. Mais je ne regrette absolument pas ce moment fort en terme de rencontres, de débats, et d’avoir été en capacité d’aller jusqu’au bout, en réunissant les 500 signatures, en lançant cette dynamique citoyenne et en donnant la parole à des gens qui ne l’avaient pas jusqu’à présent. Je ne me suis jamais fait d’illusions, en commençant le 1er février, sur ce qui se pouvait se passer. Il fallait être naïf de croire que cela changerait la face du monde. L’important, c’était de dire un certain nombre de choses et de partager cette parole avec d’autres.

Au delà de votre participation au mouvement social, avez-vous encore un rôle politique à jouer dans le réveil de la gauche ?

Moi comme d’autres sommes dans une situation singulière dans la mesure où nous n’appartenons à aucun parti politique. Cela représente une partie de la gauche et il faut bien qu’elle aie aussi sa place. Les choses devront se construire pas seulement dans une logique de parti mais aussi de mouvement. Nous devons aller beaucoup plus loin dans la réflexion que se limiter à une remise en cause du néolibéralisme, et bien réfléchir sur le type de société : ne pas seulement répartir les richesses mais aussi construire un territoire qui soit écologiquement responsable. Remettre en cause le mode de production et de consommation pose encore beaucoup de problèmes à gauche.

Recueilli par Ivan du Roy