Nucléaire

Fukushima : impunité pour les actionnaires de Tepco

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par Ivan du Roy

La compagnie japonaise Tepco, exploitant de la centrale de Fukushima, accumule les pertes financières. De l’indemnisation des victimes au démantèlement des centrales, impossible pour l’entreprise de faire face aux coûts de la catastrophe. Pour éviter la faillite, l’État japonais vient de renflouer les comptes de Tepco. Mais les actionnaires, qui ont touché depuis dix ans des milliards d’euros, ne sont pas inquiétés.

Privatiser les profits, socialiser les pertes : la compagnie japonaise Tepco (Tokyo Electric Power Company), exploitant de la centrale de Fukushima, n’échappe pas à cette règle universelle. L’État japonais – donc le contribuable – vient de lui accorder une aide de 8 milliards d’euros pour indemniser les victimes de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Car la 4e plus grosse compagnie d’électricité du monde (derrière les allemandes RWE et E.ON, et la française EDF) est au bord de la faillite.

Depuis l’accident, Tepco affiche un déficit cumulé de 16 milliards d’euros. Elle devra en outre assurer le démantèlement des quatre réacteurs détruits (dont trois ont fondu) de la centrale de Fukushima Daichi, pour un coût évalué à 9 milliards d’euros. Une estimation qui pourrait être largement sous-évaluée au vu des fissions nucléaires qui se poursuivent.

Menace future sur la sécurité

En échange de cette aide, l’État japonais réclame un plan de restructuration. D’ici fin 2013, Tepco devra supprimer 7 400 emplois (sur 38 671 salariés), soit près de 20 % des effectifs. Les primes, les pensions retraites et la couverture santé de son personnel (malgré leur exposition à la radioactivité…) seront notamment amputées, ainsi que les dépenses d’équipements et de matériels. Cette réduction importante d’effectifs et de moyens augure mal d’une nécessaire amélioration de la sécurité des centrales nucléaires.

Tepco possède en tout 17 réacteurs nucléaires au Japon, qui représentaient, avant le séisme du 11 mars, un quart de sa production d’électricité. Outre les réacteurs de Fukushima Daichi, quatre réacteurs de la centrale voisine de Fukushima Daini étaient toujours arrêtés début novembre. « Nous continuons de nous efforcer à stabiliser chacun de ces réacteurs » , communique laconiquement Tepco. Après avoir couvert les mensonges et les fraudes de Tepco les années précédant Fukushima, le gouvernement japonais récidive dans ses aberrantes décisions.

Impunité pour les actionnaires

Et du côté des actionnaires ? Ils se portent bien, merci. Certes, ils ne toucheront exceptionnellement pas de dividendes cette année. Mais depuis 2001, environ un milliard d’euros de bénéfices [1] leur ont été redistribués chaque année. Soit 9 milliards d’euros en neuf ans, davantage que l’aide que vient de débloquer le gouvernement. Mais pas question de payer la décontamination ni d’indemniser les victimes.

Qui sont ces actionnaires ? D’abord des particuliers, des banques ou des fonds d’investissement et des compagnies d’assurance vie (vous noterez le paradoxe…). Ce qui pose, une fois de plus, la question de l’impunité de ces acteurs économiques, dont la responsabilité dans les conséquences de leurs investissements est totalement occultée.

Ivan du Roy

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