Campement

Un an de galère pour les expulsés de La Courneuve

Campement

par Eros Sana

Voilà un an qu’elles ont été expulsées de la barre Balzac, à la cité des 4000 de La Courneuve. Plusieurs dizaines de familles, laissées à la rue, sont toujours en attente d’un logement stable. Avec le soutien d’associations locales, de Droit au logement ou de la Brigade anti-négrophobie, certaines ont à nouveau installé leurs tentes au pied de la barre promise à la démolition.

Photos : © Kenissa

Retour à la case départ. Tel est le sort des familles expulsées de la barre Balzac à La Courneuve. « Cela fait un an que l’on se bat aux côtés de ces familles dont la situation humaine et sanitaire ne cesse de se dégrader. Tout cela dans une totale indifférence. Pourquoi ? Parce que les familles sont noires et d’origine africaine ? Les tentes émeuvent l’opinion quand elles sont au bord du canal Saint-Martin et indiffèrent quand elles sont à La Courneuve ? », s’interroge Youssouf, membre du Collectif Balzac et initiateur d’une « halte-garderie citoyenne ». Les expulsés essayent par tous moyens d’attirer l’attention sur leur situation. Manifestations devant la préfecture de Bobigny, devant la mairie de la Courneuve, rien n’y fait. À l’exception d’une poignée d’associations et de collectifs (Droit Au Logement, Collectif Balzac, la « Brigade anti-négrophobie »...), aucun parti de gauche n’était officiellement représenté lors de la journée de soutien aux expulsés, ce dimanche 17 juillet 2011.

Lorsqu’elles vivaient dans la barre bétonnée, promises à la démolition, certaines familles s’acquittaient régulièrement d’une « indemnité d’occupation », payée à l’office public de l’habitat de Bobigny, de leurs quittances EDF ou de leurs factures de téléphone. D’autres ont été victimes de marchands de sommeil qui leur ont loué ou même vendu des appartements désertés par l’opération de rénovation urbaine. Le 8 juillet 2010, alors que la démolition de la barre HLM est programmée, 186 personnes en sont expulsées. Sans toit, ces familles sont alors revenues au pied de la cité avant d’être évacuées une seconde fois par les forces de l’ordre le 21 juillet.

Après des négociations tendues avec les autorités préfectorales pour reconnaître qui avaient le droit ou non à l’hébergement d’urgence, la majeure partie des familles se sont retrouvées pendant près de neuf mois dans des hôtels disséminés dans toute la Seine-Saint-Denis. Cette situation précaire a entraîné de grandes difficultés pour la scolarisation de certains enfants : 2 heures de transports en commun étaient parfois nécessaires pour rallier leur école à La Courneuve. Ces difficultés de transport se sont aussi imposées aux parents qui travaillent parfois à l’autre bout de l’Île-de-France. Ces familles, qui sont presque toutes d’origine africaine, ont aussi étaient confrontées à des propos ou comportements discriminants de la part de certains gestionnaires d’hôtel.

Pour l’instant, seule une quinzaine de personnes a été relogée par les autorités, selon les porte-parole des familles. À l’exception des quelques personnes qui ont pu retrouver un logement par leur propre moyen, plusieurs dizaines de familles se sont à nouveau retrouvées sans logement le 18 avril. Certaines sont donc revenues planter leurs tentes au bas de ce qui était, un an plus tôt, leur immeuble. Des dizaines de tentes s’alignent les unes à côté des autres et abritent, entre autres, une vingtaine d’enfants, dont le plus jeune n’a pas un an.

Eros Sana

Photos : © Kenissa