Grande distribution

Carrefour, Auchan, Leclerc... plus puissants que le gouvernement ?

Grande distribution

par Agnès Rousseaux

Un rapport sur la grande distribution sans citer la grande distribution ? C’est l’incomparable exploit que vient de réussir l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, sous l’égide du ministère de l’Agriculture. Les 250 pages du rapport, à grand renfort de calculs et de courbes, retracent l’évolution des prix et des marges des fruits et légumes, des produits laitiers et des viandes au cours des dix dernières.

Résultat : moult informations sur les marges dégagées par la grande distribution. La cerise bigarreau est ainsi facturée jusqu’à 5 fois plus cher au consommateur qu’elle n’a été payée par le distributeur. Ou des taux de marge supérieurs à 100% pour les fruits et légumes, comme la banane (136%), la pomme (143%), la carotte (110%) ou la laitue (103%), alors que la moyenne oscille entre 35% et 59%. Ces profits se font principalement aux dépens des producteurs et des transformateurs, et des usines de découpe et de conditionnement. Les Échos cite l’exemple de la longe de porc : en 2000, 45% du prix final du produit revenait à l’éleveur, pour seulement 36% aujourd’hui. La part consacrée à l’abattage, est passée de 11% à 8,8%. Et celle du distributeur a fortement augmenté, passant de 39% du prix final en 2000 à 55% aujourd’hui.

Qui use et abuse le plus de ces marges ? Existe-t-il une enseigne un peu plus vertueuse que les autres ? On ne le saura pas. Car ni Carrefour, ni Auchan, ni Intermarché, ni Leclerc, ni Casino... ne sont cités dans le rapport. Imaginez un rapport sur le prix des produits pétroliers où Total serait invisible. En cause, le refus des grandes enseignes de distribution de livrer la moindre information : la grande distribution « n’a pas joué le jeu de la réciprocité et de la loyauté », déplore l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture. Mais le gouvernement ne semble pas avoir osé pousser plus loin ses investigations. Et si une enquête ministérielle ne peut même plus accéder aux comptes d’un hypermarché... Finalement, ce rapport ne fait que confirmer un constat connu, n’apportant pas d’explications ni ne créant de cercle vertueux. L’année prochaine, lors de la prochaine publication du rapport, la transparence sera peut-être véritablement au rendez-vous.

Lire le rapport intégral :