Restauration collective

Sodexo règne en maître sur les cantines de Marseille

Restauration collective

par Nolwenn Weiler

Victoire pour Sodexo, leader mondial de la restauration collective. Le conseil municipal de Marseille lui a définitivement attribué, lundi 16 mai, la totalité du marché de la restauration scolaire. Soit 45.000 repas par jour, pendant 7 ans. Avec une promesse, celle d’intégrer 30% de produits bio. Mais certains parents d’élèves demeurent sceptiques face à ce juteux contrat et à la difficulté d’obliger Sodexo à tenir ses engagements.

Les 45.000 repas scolaires quotidiens des minots marseillais représentent l’un des plus gros marchés de restauration collective d’Europe. Il apparaît presque logique que ce soit Sodexo, leader mondial en la matière, qui remporte la mise. Doublement. Puisqu’en plus d’être reconduit dans sa mission de délégation de service public qu’il occupe depuis 1993, le groupe Sodexo hérite de la totalité du gâteau – qu’il partageait avant avec Avenance-Elior –, soit un chiffre d’affaires d’environ 140 millions d’euros.

Mais en matière de compressions de prix, l’entreprise créée il y a 45 ans à Marseille par Pierre Bellon est, semble-t-il, plus expérimentée. Il faut dire qu’elle est devenue une multinationale de 800.000 employés, réalisant un chiffre d’affaires annuel de 15 milliards d’euros ! Pour le marché marseillais, les propositions d’Avenance-Elior étaient moins chères lot par lot. Mais la Sodexo proposait une prestation générale moins onéreuse. La Mairie assure même que 800.000 euros seront économisés chaque année !

Pain bio et viande au rabais

Les enfants seront-ils bien nourris ? Évidemment, puisqu’il y aura 30% de produits bios ! Comme quoi, le bio n’est pas forcément plus cher. Le problème, souligne Laurence, du collectif de parents Changeons la cantine, c’est que le bio représentera 100% du pain, ainsi qu’un autre ingrédient par jour. Mais il n’y a aucun engagement sur les viandes. Et on sait déjà que les volailles seront toutes surgelées. Du pain bio accompagné de viande bas de gamme : voilà une conception originale de la qualité des repas pour les enfants, et un bel effet d’annonce.

Sur le caractère local de l’approvisionnement, qui en plus de la traçabilité offre la possibilité de développer une économie locale dynamique, Sodexo s’est montrée très prudente. Elle s’est engagée à s’approvisionner en partie auprès des producteurs locaux. Mais sans aucune donnée chiffrée. « Nous doutons de la transparence de Sodexo, reprend Laurence. Nous n’avons aucune garantie sur le suivi du respect de ses engagements. Nous réclamons qu’un comité soit mis en place pour surveiller ces démarches. Parce qu’il s’agit de la santé de nos enfants. Et de notre argent ! »

Des engagements non tenus

Les parents sont d’autant plus méfiants qu’en matière de promesses non tenues, l’entreprise semble avoir quelques précédents. « Le contrat antérieur mentionnait la mise en place d’une légumerie, qui n’a jamais vu le jour. On parlait aussi d’un portail internet informatif, qui aurait permis de faire des inscriptions et paiements en ligne. Rien de tout ça n’existe. Alors qu’on a rémunéré la société en vue de ces investissements  », proteste Laurence.

Les parents regrettent aussi l’absence totale de concertation qui a présidé au choix final de Sodexo : « nous n’avons été associés à aucun moment, ni pour entendre leurs propositions concrètes sur l’amélioration globale du service de restauration scolaire, ni pour l’élaboration du cahier des charges, notamment par rapport à l’introduction du bio – ou du moins de produits frais, de saison et de proximité –, ni pour la diversité et la qualité nutritionnelle des aliments, et encore moins pour la garantie de l’absence de produits toxiques dans les repas servis à la cantine ». Mobilisés depuis plus d’un an, ils n’ont été reçus par la mairie qu’en mars dernier.

Pas de bactéries, ni de syndicats !

La Mairie argumente sans rire sur le fait que la qualité bactériologique des repas servis par Sodexo est irréprochable. Quelle bonne nouvelle !
Rien, en revanche sur la qualité toxicologique – qui peut être mise à mal par les résidus de pesticides par exemple – des menus servis aux petits marseillais. « 30% de bio, ce n’est pas si mal, concèdent les parents d’élèves. Mais pourquoi bloquer sur cette quantité pour les sept prochaines années ? On pourrait imaginer d’augmenter peu à peu cette proportion. »

L’augmentation de produits bios et frais suppose d’augmenter la quantité de personnel en cuisine. Et de les former. Voire d’accroître leurs salaires. Étrangement, les conditions de travail de ce personnel n’ont pas été mentionnées par Sodexo. Qui a simplement assuré qu’en cas de grève, il n’y aurait pas de problème d’approvisionnement. « D’ailleurs, la "paix" maintenue de ce côté est l’un des arguments avancés par la municipalité pour ne pas revenir en régie, avance Laurence. Le personnel municipal aurait tendance à se syndiquer et à devenir incontrôlable. » Ces parents d’élèves voient vraiment le mal partout.

Nolwenn Weiler