Ecohabitat

Et si les logements sociaux devenaient écolos ?

Ecohabitat

par Nolwenn Weiler

Des radiateurs poussés à fond qui, à défaut d’augmenter la température de la pièce, réchauffent l’atmosphère ? Il faut en finir avec le scandale énergétique des logements sociaux en France ! Et pour cela voir plus loin (et plus vite) que la rénovation de l’ensemble du parc promise par le Grenelle de l’environnement. Petit aperçu des réalisations et rénovations en cours, qui devraient donner des idées aux bailleurs sociaux.

Photo : © V. Rigassi

À Montreuil, les logements du quartier de La Noue (classé Zone urbaine sensible) s’apprêtent à faire peau neuve. Parmi les matériaux et procédés prévus pour la réhabilitation : isolation extérieure, bardage, double vitrage à faible émissivité, augmentation des surfaces vitrées au sud, amélioration de la ventilation, etc. Impulsé par la municipalité, ce projet inclut dans les prises de décisions, bailleurs, habitants et services de la ville.

Exemplaire, ce projet fait partie des réalisations retenues par le guide des Amis de la terre destiné aux organismes d’habitat social. Cet ouvrage propose des idées et méthodologies pour intégrer des écomatériaux dans les constructions et réhabilitations de logements sociaux, qui représentent 15% du parc immobilier français. Soit 4 millions de logements locatifs.

Chez les 10 millions de personnes « hébergées » par les bailleurs sociaux, la précarité énergétique ne cesse d’augmenter. Si la consommation moyenne est moindre dans les HLM que dans le reste des logements français (170 kWh/m2 par an contre 250 kWh/m2 par an), les locataires HLM se trouvent très souvent exposés à des charges supérieures à celles des logements privés. Bon nombre de logement sociaux ont été construits dans les années 1960 et 1970, époque à laquelle le pétrole coulait à flots, et où on n’avait pas encore intégré que la planète risquait de surchauffer. Sans doute n’avait-on pas prévu non plus que la précarité continuerait d’augmenter.

Établir des diagnostics localement

La rénovation thermique de ce bâti social permettrait d’alléger les factures des locataires et leurs émissions de CO2. Pour commencer, il est indispensable d’établir un diagnostic aussi précis que possible. Sur les consommations, les sources d’inconfort, et les types de travaux à réaliser. Plus ce diagnostic sera local, plus il sera fiable, efficace, et vite bouclé. En Rhônes-Alpes, ce dispositif a été lancé en 2007. Il a duré un an et demi et a impliqué une dizaine de bailleurs de la région. Les résultats fournis proposent des orientations aux gestionnaires de parcs, pour définir les logements à traiter et « les choix techniques à opérer pour réduire d’un facteur 4 les émissions de CO2 de l’ensemble du parc d’ici à 2050 », précise la synthèse de ce diagnostic.

L’étude propose également une évaluation des différents scénarios d’intervention, selon des critères essentiels pour les bailleurs HLM : maîtrise des charges, impact sur l’économie locale, équilibre financier... Le diagnostic a permis d’identifier les logements les plus énergivores, qui dépassent les 250 kwh/m2 par an, et qui ont pour la plupart été construits entre 1949 et 1976. Autre enseignement de l’étude : le poids énergétique de ce parc très vétuste va augmenter, et peser sur les budgets des bailleurs et des locataires : « à l’horizon 2035, ce parc ne représentera plus que 30% à 35% du volume total de logements HLM, mais ses consommations énergétiques représenteront 80% des consommations totales. » Une incitation à accélérer les démarches de réhabilitation.

Appels d’offre incitatifs

La plupart des organismes d’habitat social sont d’intérêt public et donc soumis au Code des marchés publics. En raison de l’injonction de libre concurrence, dictée par l’OMC, il reste toujours impossible de privilégier de façon explicite des acteurs locaux. « Une approche territoriale et la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre permettent néanmoins de contourner cette interdiction », précise le guide des Amis de la terre. Autre levier pour les bailleurs : la référence à des clauses sociales dans les appels d’offres. Le principe de cette clause [1] consiste à demander aux entreprises de réserver une part des heures de travail à une action d’insertion. Et de privilégier, ce faisant, les entreprises locales, spécialisées en écoconstruction.

Mais bailleurs et collectivités peuvent aussi, pour favoriser des constructions vertueuses, octroyer des subventions ciblées sur l’utilisation d’écomatériaux dans les rénovations thermiques, améliorer l’accessibilité des producteurs d’écomatériaux au système assurrantiel français, et arrêter d’avoir une approche « ligne budgétaire » (à court terme, pourrait-on ajouter). Citons l’exemple (récurrent) du remplacement de fenêtres dans un logement dont les murs ont une piètre performance thermique. Le résultat : des lignes de moisissures se glissent le long des fenêtres, parce que l’étanchéité à l’air n’est pas assurée. Au diagnostic global des situations, doivent s’ajouter de solides connaissances techniques et savoir-faire pointus qui font bien souvent défaut en France.

Logements HLM tout neufs

C’est pourquoi les Amis de la terre conseillent aux bailleurs de recourir à une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO). Souvent assurée par d’anciens artisans, devenus experts en écoconstruction, l’AMO assure l’interface entre le maître d’ouvrage (le bailleur) et le(s) maître(s) d’œuvre (les entreprises réalisant les travaux). La vision globale et les connaissances de l’AMO seront très précieuses pour ces chantiers souvent novateurs. Même si, pour le moment, les AMO ne courent pas non plus les rues en France.

Il faut aussi penser à ceux et celles qui attendent impatiemment un HLM. Et pour lesquels, il faut évidemment construire du neuf. Dans ce domaine aussi, tout est possible. À la Terrasse, dans l’Isère, six appartements passifs ont ainsi été livrés en juin 2009. Exposés plein sud, les deux petits bâtiments qui les abritent sont tout en bois. Ils sont isolés en fibre de bois, dotés de triples vitrages et équipés de panneaux solaires qui fournissent la moitié des besoins annuels en eau chaude. Mis au point au terme de nombreux échanges entre mairie, agence de l’énergie et Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement (CAUE), ces appartements dignes du 21e siècle ont été construits par des artisans formés aux principes techniques de l’étanchéité à l’air.

150 euros de charges par an

C’est un déplacement en Autriche, avec visites de constructions exemplaires qui a finalement convaincu le bailleur social. Selon Vincent Rigassi, l’architecte responsable du projet, cité par le magazine La Maison écologique, « le montant final s’est avéré 30% plus élevé qu’un programme HLM classique, en tenant compte de l’ensemble des investissements ». Ceci dit les charges prévues (chauffage et ventilation) sont de 150 euros par an... soit, à peu près ce que l’on paie tous les deux mois dans la plupart des épaves thermiques qui font office de logements sociaux.

Selon Christine Liddell, professeur de Psychologie à l’Université d’Ulster, en Irlande, et auteur d’une étude de la précarité énergétique en Europe, « chaque euro investi pour résorber la précarité énergétique permet d’économiser 0,42 euros en soins de santé (dont 0,12 pour les enfants) et que le reste se retrouve dans les émissions de CO2 évitées ». Alors... on s’y met quand ?

Nolwenn Weiler

Notes

[1décrite à l’article 14 du Code des marchés publics