Féminisme

Palestine : l’émancipation passe aussi par l’éducation sexuelle

Féminisme

par Flora

Parler publiquement d’éducation sexuelle, de contraception ou d’homosexualité en Palestine. C’est le travail de longue haleine entrepris par une association d’infirmières scolaires, Jensaneya. Et ce qu’ont réussi une cinquantaine de femmes à l’occasion d’une improbable conférence sur le sujet, dans le cadre du Forum mondial de l’éducation organisé fin octobre.

Ce 29 octobre, à Haïfa, la salle rassemble uniquement des femmes, dont beaucoup de palestiniennes. Une mère intervient pour expliquer qu’elle n’arrive pas à aborder l’épineux sujet avec sa fille de dix ans. Elle avait bien essayé d’en parler avec son institutrice, mais celle-ci a vite détourné la conversation. La discussion s’engage avec le public, les conseils vont bon train. La mère s’inquiète : « J’ai peur qu’après notre discussion, ma fille veuille mettre en pratique... ». Rires dans la salle.

Une autre mère s’est déplacée avec sa fille. Lorsque l’infirmière est venue dans leur salle de classe pour parler de sexualité, personne n’a osé poser de question, raconte l’adolescente. La bonne vieille méthode d’échanges d’informations dans la cours de récréation demeure la plus efficace ! Des témoignages qui illustrent la chape de plomb qui recouvre les questions liées à la sexualité en Palestine. « Quand on demande aux gens où ils apprennent des choses sur la sexualité, ils répondent majoritairement sur Internet ou à la télévision », précise Safa Tamish, présidente de l’association Jensaneya (Forum arabe de l’éducation sexuelle), qui organise la conférence.

Créée par des infirmières scolaires confrontées dans leurs écoles à la méconnaissance de la sexualité, l’association Jensaneya essaie de libérer la parole sur ces sujets sensibles : contraception, sexualité, grossesse, homosexualité... Bref, « Tout ce qui touche à la connaissance du corps », résume Najar, une militante de l’association. Et autant de puissants tabous pour la société palestinienne – et israélienne avec le retour en force des conservateurs religieux – que l’association cherche à progressivement lever. Des formations aident professionnels, travailleurs sociaux et infirmières scolaires à répondre à des situations délicates, comme les grossesses précoces. Des séminaires, destinés aux enseignants, parents et élèves, insistent sur l’importance d’un enseignement qui combine « tradition et désir ».

Libérer la parole

« La formation des parents est essentiellement tournée vers les mères car elles ont la responsabilité de l’éducation des enfants. Mais les pères viennent de plus en plus demander des informations », constate Najar. Marionnettes, dessins ou poupées – dotées d’organes génitaux – sont utilisées dans ces cours d’éducation sexuelle. Et même le théâtre qui permet aux parents de se mettre en situation pour répondre aux questions de leurs enfants. « Les noms des organes sexuels ne sont jamais utilisés dans notre culture », explique Safa Tamish. Le sexe masculin est généralement baptisé « birdy » (petit oiseau), mais il n’existe pas de nom pour le sexe féminin.

« La question de l’homosexualité est encore la plus difficile à aborder. Les professeurs, encore très religieux, sont souvent réticents à l’idée de parler de ce sujet, ajoute la présidente de Jensaneya. Si un ou une élève pose des questions, ils préfèrent les renvoyer vers « un professionnel », souvent une infirmière. Nous avons cependant réussi à organiser, en partenariat avec les deux organisations homosexuelles palestiniennes, des meetings où des lesbiens et gays venaient raconter leurs parcours personnels. » Un exploit.

Pendant un moment, la parole s’est libérée sur ce coin de terre orientale. Pour bien des militantes, lever le tabou de l’éducation sexuelle, c’est également avancer sur les droits des femmes. Une étape indispensable vers l’émancipation.

Flora