Nonant-Le-Pin

La tension monte autour d’un projet de méga-décharge en Normandie

Nonant-Le-Pin

par Simon Gouin (Grand Format)

La tension monte, à Nonant-le-Pin (Orne), où depuis trois mois, l’entrée du chantier d’une méga-décharge de déchets ultimes est bloquée par plusieurs centaines d’opposants au projet. Alors que des procédures judiciaires sont en cours, une forte pression a été mise sur les contestataires, ces derniers jours, par l’entreprise Guy Dauphin Environnement (GDE), en charge de l’exploitation du site, et les autorités publiques.

Vendredi 24 janvier, GDE a affrété deux cars afin d’amener 80 de ses salariés à l’entrée de la décharge. L’objectif : confronter les opposants à la décharge aux salariés de l’entreprise, dont les emplois et la viabilité économique seraient menacés à cause du blocage. L’entreprise a ainsi annoncé, la semaine dernière, qu’elle gelait le recrutement de 72 employés. « Du chantage à l’emploi », estime Laurent Beauvais, président de la région Basse-Normandie, qui rappelle que GDE a supprimé 80 emplois au cours des trois dernières années, dans la région. Et cela, bien avant le blocage du site de Nonant-le-Pin.

En début de semaine, les associations opposées au projet ont assuré que le préfet de l’Orne, Jean-Christophe Moraud, avait téléphoné à plusieurs élus locaux pour les prévenir de l’intervention imminente des forces de l’ordre. Il se serait « targué d’avoir reçu l’ordre express » des ministres de l’Écologie et de l’Intérieur, « d’en finir avec le blocus citoyen en envoyant les forces de l’ordre dès mardi 21 janvier au matin ». Mardi matin, de nombreux cars de CRS étaient visibles à Alençon, à 30 minutes de Nonant-le-Pin. Près de 300 opposants étaient massés à l’entrée du site.

L’entreprise GDE est une filiale française de Trafigura, une multinationale de trading connue pour ses pratiques douteuses, notamment impliquée dans une pollution aux déchets toxiques ayant causé la mort de 17 personnes en Côte d’Ivoire en 2006. GDE souhaite implanter une décharge de déchets ultimes de l’industrie automobile dans cette région normande réputée pour ses haras. C’était sans compter sur la mobilisation d’éleveurs, petits agriculteurs et simples citoyens menacés par le bouleversement d’un environnement jusqu’alors préservé (Lire notre enquête sur le sujet).

GDE refuse de rendre publiques les expertises

Finalement, l’intervention des forces de l’ordre n’a pas encore eu lieu. Mardi soir, le ministre de l’écologie Philippe Martin annonçait la nomination d’un médiateur, « dans les tout prochains jours ». Quelles seront les conditions de la médiation, s’interrogent les associations qui saluent le geste du ministre de l’Écologie, et rappellent que les procédures judiciaires se poursuivent contre GDE. Le 7 janvier dernier, la Cour d’appel de Caen a notamment indiqué que « le centre de stockage de la société GDE est de par sa nature susceptible de causer un trouble de voisinage ainsi qu’un dommage à l’environnement ». Elle a aussi confirmé les demandes d’expertises environnementales et hydrogéologiques exigées par le Tribunal de grande instance d’Argentan. Des expertises que GDE n’a toujours pas rendu publiques !

Malgré ces décisions juridiques, l’administration semble décidée à faire avancer le chantier. Pourtant, la réputation de GDE n’en finit pas d’être entachée : le 13 mars prochain, l’entreprise sera jugée pour une décharge présumée illégale de 37 000 tonnes de résidus de broyage automobile sur différents sites du Calvados. Dans cette affaire, GDE a reconnu sa responsabilité.

En savoir plus : Dans l’ombre d’un projet polémique de méga-décharge en Normandie, une multinationale à la réputation sulfureuse

Photo : Nonant Environnement