Santé publique

56 000 euros le traitement contre l’hépatite C : des parlementaires s’insurgent contre le labo

Santé publique

par Agnès Rousseaux

Entre 300 000 et 400 000 personnes en France seraient atteintes d’hépatite C. Une maladie chronique qui peut provoquer cirrhose et cancer du foie. De nouveaux traitements viennent d’être autorisés sur le marché. Une révolution thérapeutique, estiment les spécialistes. Selon la Haute autorité de santé, ces traitements permettent d’espérer une guérison de 90% des malades, après une cure de 12 ou 24 semaines. Problème : le coût prohibitif de ces traitements. Une cure de 12 semaines nécessite 84 pilules. Au prix unitaire de 666 euros ! Soit 56 000 euros par patient !

Des députés socialistes [1] viennent d’adresser, selon Le Parisien, un courrier aux dirigeants du laboratoire pharmaceutique états-unien Gilead, qui produit ce médicament, le Sovaldi. 60 000 patients pourraient être traités dans les deux prochaines années, expliquent les élus. Ce qui représenterait, un chiffre d’affaires faramineux pour le laboratoire pharmaceutique : 4,8 milliards d’euros ! Une somme prise en charge par l’assurance maladie, alors que le coût de fabrication du médicament reviendrait, dans le cadre d’une production de masse, à moins de 200 euros par patient, avancent les parlementaires [2]. Soit 280 fois moins cher que son prix de vente. Ils demandent à Michel Joly, président de Gilead France, de préciser comment le prix de vente du traitement a été établi. Et quel est le montant des dividendes versés aux actionnaires de l’entreprise en 2013.

Ces médicaments « ne sont pas sensés coûter si cher. Ils peuvent être produits sous forme générique pour une infime partie du prix », rappelait Médecins du Monde il y a quelques mois, précisant qu’au moins 185 millions de personnes dans le monde ont été infectées par le virus de l’hépatite C, et que les maladies du foie liées au virus tuent environ 350 000 personnes par an. Avec une vingtaine d’organisations, l’ONG s’indigne du coût exorbitant de ce traitement, dont l’efficacité permettrait pourtant d’espérer à terme une éradication complète de la maladie. « Nous appelons l’État à exiger un juste prix auprès des laboratoires et à jouer son rôle de régulateur auprès des industriels afin de faire baisser les prix et de garantir l’accès à ces nouvelles molécules pour au moins 80 000 personnes atteintes d’hépatite C chronique. » L’entreprise pharmaceutique argue qu’un prix élevé en France permet de rendre le traitement accessible à faible coût dans les pays en développement [3].

Des bénéfices records pour l’entreprise pharmaceutique

En France, seules les personnes arrivées à un stade sévère de la maladie seront traitées dans un premier temps, explique la Haute autorité de santé (HAS), dans un avis publié le 1er juillet. Cela concernerait 35 000 personnes, notamment celles atteintes d’une cirrhose, en attente de greffe ou les malades infectés en même temps par le virus du sida (VIH). « En raison du coût prohibitif des traitements et du nombre de patients à traiter, la HAS a estimé de son devoir de préciser les indications en fonction du degré d’urgence », ajoute le Pr Harousseau, président du Collège de la Haute-autorité.

En juin, la France a lancé une offensive pour faire baisser les coûts du traitement en Europe. Pendant ce temps, l’entreprise pharmaceutique Gilead, voit ses ventes exploser. En 2011, elle a racheté la start-up états-unienne Pharmasset, qui a créé ce traitement prometteur, pour 8 milliards d’euros. Un investissement très vite rentabilisé, puisque le médicament a rapporté 1,6 milliard d’euros lors des trois premiers mois de commercialisation. Ce qui a permis à Gilead de tripler son bénéfice net au premier trimestre 2014, par rapport à 2013. La santé n’a pas de prix, mais elle peut rapporter gros. En attendant l’arrivée (prochaine) d’autres molécules sur le marché, le bras de fer entre l’entreprise de biotechnologie et les pouvoirs publics risque d’être tendu pour fixer le prix de vente en France de ce traitement.

@AgnesRousseaux

Notes

[1Gérard Bapt, Catherine Lemorton, Olivier Véran, Bernadette Laclais et Jean-Louis Touraine.

[2Lire Le Parisien et la tribune publié par le directeur de l’Agence de recherche ANRS (France Recherche Nord&Sud Sida-HIV Hépatites), dans Le Monde du 4 juin 2014.

[3Le laboratoire aurait notamment commencé à vendre sa molécule en Égypte, pays très touché par l’hépatite C, à un prix de 1000 dollars le traitement. Source.