Conflit d’intérêts

Un banquier de BNP à la tête de la Banque de France

Conflit d’intérêts

par Agnès Rousseaux

Les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat doivent valider, le 29 septembre, la nomination de François Villeroy de Galhau au poste de gouverneur de la Banque de France. Problème : cet énarque et inspecteur des finances travaille depuis douze ans au sein du groupe BNP Paribas. Un ex-banquier peut-il prendre la tête de l’instance chargée de contrôler les banques ? Sept ans après la crise financière de 2008, cette décision a provoqué l’indignation de 150 économistes, qui dénoncent un risque de conflit d’intérêts majeur.

La dernière fois qu’un banquier a occupé le poste de gouverneur de la Banque de France remonte à 1814, soulignent Les Echos [1]. Certes, Villeroy de Galhau s’est engagé à renoncer à toute rémunération différée de BNP Paribas, à ne conserver aucune action de BNP Paribas, et à en faire don à des associations d’intérêt général avant sa nomination. Mais s’il coupe le cordon financier, quid des influences ? « Comment un dirigeant de haut niveau qui a défendu pendant douze ans le point de vue d’une banque (y compris dans les débats particulièrement vifs sur la régulation financière) pourrait-il soudainement prendre une position inverse ? », questionne l’économiste Laurence Scialom. D’autant qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle banque, mais du plus grand établissement français, fer de lance du lobby bancaire. « François Villeroy de Galhau a adhéré pendant plus d’une décennie aux raisonnements du système bancaire », pointe l’économiste.

« Sas de décontamination »

Haut fonctionnaire, directeur de cabinet des ministres Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter, le banquier rejoint le secteur bancaire en 2003, devenant PDG de Cetelem, la filiale de crédit à la consommation de BNP Paribas. En 2008, il devient directeur de l’activité banque de détail, puis directeur général délégué du groupe BNP Paribas. Au printemps dernier, François Hollande lui confie une mission sur le financement de l’investissement par les banques, présentée par certains comme un « sas de décontamination » (sic).

Une décontamination suffisante pour passer de la défense des intérêts bancaires à un poste central pour l’intérêt général ? Le contrôle des banques nationales a été transféré à la Banque centrale européenne (BCE), mais les gouverneurs des banques centrales nationales participent au pilotage de la politique monétaire européenne en siégeant au Conseil des gouverneurs de la BCE. Le gouverneur de la Banque de France préside également le conseil de supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, instance chargée de réguler les banques et les assureurs. François Villeroy de Galhau pourrait, par exemple, être sollicité en tant que gouverneur pour donner son avis sur l’affaire Helvet Immo : une affaire de prêt en francs suisses qui a fortement pénalisé 6000 personnes à partir d’un produit financier conçu et vendu par Cetelem et BNP Personal Finance, au moment même au François Villeroy de Galhau travaillait pour la banque. Le dossier est entre les mains de la juge d’instruction Claire Thépaut.

Face à ces possibles conflits d’intérêts, François Villeroy de Galhau s’est engagé à « ne participer à aucune décision individuelle concernant BNP Paribas ou une de ses filiales dans les deux ans suivant [son] départ de ce groupe ». « Ce serait très problématique : vu l’importance de cet établissement, cela reviendrait à ignorer 25% du secteur bancaire français », souligne Laurence Scialom.

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[Mise à jour] Les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont voté le 29 septembre à une large majorité en faveur de la candidature de François Villeroy de Galhau, avec 34 voix contre 8 à l’Assemblée (1 bulletin blanc) et 25 voix contre 5 au Sénat (2 blancs).

Notes

[1Il s’agissait de Jacques Laffitte. Si on laisse de côté « Jean-Charles Davillier en 1836, qui participa auparavant à la création de la Caisse d’Épargne avec des fonds publics, et Wilfrid Baumgartner en 1949, qui dirigea avant-guerre le très officiel Crédit national », précisent Les Echos.