« Optimisation »

Paradis fiscaux : les limites de l’opération transparence de Total

« Optimisation »

par Olivier Petitjean

Objet de soupçons récurrents sur ses pratiques fiscales, le géant pétrolier français a décidé de rendre publique la liste de ses 903 filiales « consolidées », y compris celles qui sont situées dans des juridictions secrètes comme les Bermudes ou les îles Caïmans. L’entreprise promet également de « travailler [à son] retrait effectif » d’une partie de ses implantations dans les paradis fiscaux. Mais Total semble encore loin d’une véritable transparence financière et fiscale.

La publication par le champion du CAC 40 d’une liste intégrale de ses filiales – liste accessible ici – constitue certes un progrès. Auparavant, l’entreprise pétrolière ne mentionnait qu’environ 180 filiales dans ses rapports annuels. 60% des 50 plus grandes entreprises européennes et un peu moins de la moitié de celle cotée au CAC 40 publiaient déjà une liste intégrale de leurs filiales en 2013, selon un rapport de l’ONG CCFD-Terre Solidaire et la revue Projet.

D’après Total, 19 de ses filiales sont implantées dans des territoires pouvant être considérés comme des paradis fiscaux, en l’occurrence les îles Bahamas, Bermudes et Caïmans. Le nouveau PDG du géant pétrolier, Patrick Pouyanné, a annoncé que son entreprise travaillait à se retirer de 9 de ces filiales dans un avenir proche. L’initiative reste toutefois en deçà de ce que demandent depuis des années les associations dédiées à la justice fiscale et à la transparence des industries extractives. Tout d’abord, Total utilise ses propres critères pour décider quel pays peut être considéré comme un « paradis fiscal », alors qu’il existe des listes officielles ou associatives bien établies. Sur la base de la liste établie par le Tax Justice Network – la plus exigeante –, ce ne sont pas 19, mais 178 filiales de Total qui sont situées dans des juridictions secrètes !

Transparence : peut largement mieux faire

« Total a établi unilatéralement sa propre liste, sur la base de l’idée que l’entreprise se fait des territoires « considérés » comme des paradis fiscaux, omettant de mentionner sa présence dans des paradis fiscaux européens comme les Pays-Bas, le Luxembourg ou la Suisse, pourtant régulièrement épinglés pour leurs pratiques fiscales », dénoncent les associations [1]. En outre, cette liste de filiales est publiée sans aucune information sur le chiffre d’affaires, les bénéfices ou le nombre d’employés y travaillant. Autant d’éléments constituant le « reporting pays par pays » appliqué aux multinationales : une revendication phare de la société civile en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Une proposition de plus en plus reprise dans les institutions internationales. Telle quelle, cette liste ne donne donc pas vraiment les moyens d’y voir plus clair dans les flux financiers internes au groupe (lire notre enquête Les secrets fiscaux bien gardés des entreprises pétrolières et minières françaises). À plus forte raison si Total maintient des filiales dans des juridictions problématiques, qu’il s’agisse d’îles exotiques ou de pays européens peu regardants.

Olivier Petitjean

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