Finances

Serial trader, ou quand des psychopathes peuplent les salles des marchés financiers

Finances

par Agnès Rousseaux

Résistance au stress, concentration, rapidité... Quelles qualités faut-il pour être un bon trader ? Être un peu psychopathe, montrent des études scientifiques. Chercheurs et psychiatres ont comparé le comportement de traders avec celui de patients internés dans des hôpitaux sécurisés. Résultats : les plus agressifs ne sont pas ceux que l’on croit.

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Les traders seraient plus agressifs et manipulateurs que les psychopathes, démontre une étude récente, menée à l’école de management de l’université de Saint-Gall, en Suisse. Pascal Scherrer, expert légiste, et Thomas Noll, médecin, psychiatre et juriste, directeur de l’application des peines du plus grand pénitencier de Suisse (la prison de Pöschwies au nord de Zurich), ont comparé le comportement d’un groupe de 24 psychopathes enfermés dans des hôpitaux sécurisés allemands, et d’une trentaine de traders, travaillant sur des plateformes de trading sur produits dérivés ou de capital investissement. Ils les ont soumis à des tests d’intelligence et de comportement « coopératif », ainsi qu’à des évaluations sur leur désir de pouvoir, leur capacité de résistance au stress ou à se rebeller.

Verdict : les traders n’ont pas forcément cherché à obtenir les gains les plus importants. Plutôt à gagner l’avantage sur leurs concurrents. Leur seul objectif : écraser l’adversaire, aux dépens de toute approche stratégique. Plutôt que de viser les profits les plus élevés, « il était plus important pour les traders de gagner plus que leurs concurrents. Et ils ont dépensé une grande énergie à essayer de leur nuire. C’est un peu comme si votre voisin avait une plus belle voiture que vous et que vous alliez la détruire avec une batte de base-ball », a déclaré le psychiatre Thomas Noll au journal allemand Spiegel.

Les psychopathes bien encadrés font de bons traders

« Évidemment, on ne peut pas dire que tous les traders sont dérangés », ajoute le chercheur. « Mais, par exemple, ils se sont comportés de manière plus égocentrique et ont été plus enclins à prendre des risques que le groupe de psychopathes qui a été soumis au même test. » En 1996 déjà, une étude réalisée par une université écossaise montrait que les psychopathes étaient « particulièrement adaptés pour travailler dans le monde rapide et à haut risque de la sphère des marchés financiers » : « Ils ont besoin d’être dans des situations où les choses bougent tout le temps et où ils n’ont pas à faire de plans à long terme. » Conclusion de cette étude : des psychopathes « bien éduqués » ou encadrés font de bons traders.

Les psychopathes ont un tel attrait pour les récompenses que cela bouleverse leur sens du risque, a également démontré un étude publiée en 2010. En 2004, New Scientist a publié les analyses du professeur Robert Hare, expert en psychopathie à l’université de Colombie-Britannique au Canada, qui estime que certains employés gravissant les « échelons hiérarchiques » peuvent avoir des traits communs avec des psychopathes. Ils ont en commun un manque d’empathie et de compassion. Le chercheur canadien a même créé un test pour que les entreprises puissent détecter les « corporate psychopaths » avant qu’ils ne commettent de sérieux dommages… Bientôt un test psychiatrique et un fichage systématique de tous les traders avant qu’ils ne ruinent la planète ?

Agnès Rousseaux