Mouvement social

Loi travail : le mouvement de contestation s’élargit

Mouvement social

par Myriam Thiebaut, Nolwenn Weiler

Il était 5h00 à Paris ce vendredi 1er avril quand les derniers manifestants ont quitté la place de la République, évacués par les forces de l’ordre. Occupée toute la nuit à l’appel du collectif Convergence des luttes, la place de la République pourrait être à nouveau investie ce vendredi soir pour une « Nuit debout », inspirée du mouvement des Indignés en Espagne ou du mouvement Occupy aux États-Unis. « Ce qui nous unit, c’est qu’on en a marre de ce système, explique un manifestant à l’hebdomadaire Politis. Nous en avons marre des patrons qui nous exploitent, du système bancaire qui nous saigne jusqu’à la moelle et de ce système qui détruit notre environnement. »

Qu’ils aient veillé ou pas, les manifestants ont défilé partout en France ce jeudi 31 mars malgré la pluie et le froid à de nombreux endroits. Selon les organisateurs, ils étaient plus d’un million, dont 200 000 jeunes dans 250 villes, avec plusieurs milliers d’arrêts de travail, à l’appel de sept syndicats salariés et étudiants (CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef, FIDL, UNL). Les autorités en ont décomptés moitié moins (environ 400 000). Plus de 200 lycées étaient bloqués selon les syndicats, ainsi que plusieurs universités.

En photos : la manifestation du 31 mars à Rennes / © Myriam Thiébaut

Des habitants des bassins miniers du Pas-de-Calais, aux travailleurs du BTP en passant par du personnel encadrant les jeunes handicapés, des artistes ou des agronomes : des centaines de métiers étaient représentés. Dans le défilé rennais, une croix blanche barrait le dos ou le bras de manifestants, symbole du mépris que représente selon eux la loi El Khomri. « Non au retour à Germinal, oui à la grève générale », lisait-on sur plusieurs panneaux. «  On ne veut pas se lever le matin en se demandant si on ne va pas se faire virer simplement parce qu’on n’est pas d’accord avec notre patron », lance une jeune lycéenne. « Nous sommes là pour eux, pour nos jeunes », dit Roseline, la soixantaine, indignée par le monde du travail que l’on promet aux générations futures.

Une loi « nécessaire et juste » selon le gouvernement

De nombreux retraités étaient eux aussi présents en solidarité. Dans le cortège parisien, des métallos défilaient en soutien aux salariés de Goodyear, récemment condamnés à des peines de prison pour avoir séquestré leur patron. Également visés par la colère des manifestants : les syndicats présentés comme « réformistes », qui s’accommodent du texte de loi proposé par le gouvernement. « Quand le Parti socialiste rétablira l’esclavage, la CFDT négociera le poids des chaînes », ironise une pancarte de la manifestation rennaise.

Des heurts et violences ont éclaté dans divers endroits, comme Paris, Nantes, Toulouse et Grenoble. À Rennes, les odeurs de lacrymos ont envahi la ville jusqu’au milieu de l’après-midi. Une partie des manifestants souhaitait rallier la place du Parlement, située en plein centre ville. Les forces de l’ordre les en ont empêchés comme le montre cette vidéo :

Mym

Après cinq heures d’affrontement, douze personnes ont été interpellées. Plusieurs journalistes ont été victimes de violences, à tel point que Xavier de Bontride, co-président du club de la presse de Bretagne, a publié un communiqué en milieu de journée pour dénoncer ces abus. « Suite aux récentes manifestations, plusieurs confrères font état de violences policières envers des journalistes. Semblent particulièrement visés les journalistes pigistes sans carte de presse qui font souvent l’objet de contrôles d’identité parfois musclés. La violence gratuite constatée à plusieurs reprises sur des journalistes en marge des manifestations notamment à Rennes est inacceptable et doit être fermement condamnée. »

L’ampleur de la mobilisation n’a pas fait ciller le gouvernement. La ministre du travail a déclaré qu’il était « légitime » que des organisations syndicales utilisent le droit de grève et le droit de manifester. Elle a estimé qu’il était également légitime que la jeunesse « fasse part de son exaspération ». Mais sa loi est « nécessaire et juste », estime-t-elle... Les confédérations syndicales CGT, FO, Solidaires et FSU, ainsi que les organisations étudiantes et lycéennes Unef, FIDL et UNL ont déjà appelé à « amplifier l’action », mardi 5 avril puis samedi 9 avril. Objectif : élargir la mobilisation aux salariés qui n’osent pas débrayer en semaine. Le printemps ne fait que commencer.

Texte : Nolwenn Weiler

Vidéo et photos de la manifestation du 31 mars à Rennes : © Myriam Thiébaut

 Voir notre dossier « transformer le travail