Cohérence politique

Parmi les collaborateurs de députés « En marche », l’égalité salariale a encore du chemin à faire

Cohérence politique

par Simon Cottin-Marx

L’égalité entre les femmes et les hommes est l’une des grandes causes affichées du quinquennat d’Emmanuel Macron. Ses ministres ne cessent de communiquer autour de l’impulsion que le gouvernement entend donner sur le sujet, annonçant des actions pour réduire les inégalités d’ici 2022. Ces intentions sont-elles également suivies d’effets concrets du côté des députés appartenant à l’écurie présidentielle, La République en marche (LREM) ?

Un sondage réalisé en septembre 2017 par l’Association des collaborateurs progressistes (ACP) – composée d’attachés parlementaires travaillant pour des élus de la majorité LREM et Modem, auxquels le questionnaire a été adressé – apporte quelques premiers éléments de réponse à cette question.

Les collaborateurs masculins gagnent 11% de plus en moyenne

Leur sondage a reçu 186 réponses de la part de collaborateurs de députés LREM et Modem, sur un total d’environ 1000 salariés. Au sein de cet échantillon, seuls des collaborateurs de députés LREM, une grosse centaine au total, ont accepté de fournir une réponse concernant le montant de leur salaire horaire [1]. La plupart des répondants sont de jeunes attachés parlementaires qui connaissent, d’après leurs déclarations, une première ou seconde expérience professionnelle, après un diplôme généralement de niveau Bac +5.

Premier enseignement : malgré le caractère relativement réduit de l’échantillon, qui doit conduire à prendre les résultats avec un minimum de prudence, les écarts relevés sont significatifs : sur 106 réponses prises en compte, le salaire horaire moyen des hommes s’élève à 20,5 euros bruts de l’heure, contre 18,4 euros pour leurs homologues féminines. Soit un écart de plus de 11%, qui se situe dans la moyenne nationale à poste et niveau de qualification équivalents [2]. Pas de quoi, donc, fanfaronner.

Si l’on prend les chiffres sous un autre angle, 56% des hommes ayant répondu à la question sur les rémunérations percevraient un salaire horaire supérieur ou égal à 20 euros bruts, contre seulement 36% chez les femmes.

Ni grille de salaire, ni fiche de poste type

Dans un entretien récent au Journal du dimanche (JDD), la ministre du Travail Muriel Pénicaud vantait l’action gouvernementale en ces termes : « L’égalité entre les femmes et les hommes est un principe constitutionnel (...). Le principe, c’est à travail égal, salaire égal. Mais en réalité, les femmes gagnent toujours 9% de moins que les hommes à poste équivalent et 25% en moyenne de moins que les hommes tous postes confondus. C’est inadmissible. Alors il faut agir pour le rattrapage salarial. Nous allons le faire. »

A l’Assemblée nationale, chaque député fonctionne de fait comme une très petite entreprise (TPE), libre d’embaucher à sa guise et de fixer les conditions d’emploi. Les élus disposent d’un « crédit collaborateur », établi à 10 581 euros par mois depuis le 1er janvier 2018, qu’ils peuvent répartir comme bon leur semble. A l’Assemblée nationale comme au Sénat, il n’existe aucune grille de salaire ou fiche de poste type de collaborateur parlementaire.

C’est d’ailleurs derrière cette absence d’encadrement que se retranche le directeur de la communication du groupe des députés LREM à l’Assemblée nationale, interrogé sur le sujet par Bastamag : « Les députés embauchent et fonctionnent indépendamment du groupe et de l’Assemblée nationale. L’embauche des salariés est à la discrétion des députés. » Circulez, il n’y a donc rien à voir.

Pour 92% des attachés, les heures sup’ ne sont pas payées

Un autre élément intéressant ressort de l’enquête : sur 158 collaborateurs LREM ou Modem déclarant cette fois effectuer des heures supplémentaires – parmi lesquels 88% disent en réaliser « souvent » ou « tout le temps » – seulement 9 affirment que ces heures leur sont payées ! 146 (soit 92%) déclarent qu’elles ne le sont pas, et 3 ne se prononcent pas sur le sujet. Il est vrai que la majorité actuelle n’a jamais affirmé un amour très prononcé pour le code du travail.

« Nous demandons depuis longtemps la mise en place d’une convention collective pour les collaborateurs parlementaires. En somme, une mise en conformité avec le droit du travail », rappelle Florence Faye, du syndicat UNSA des collaborateurs parlementaires. Ces demandes, formulées depuis plusieurs législatures au Parlement, n’ont toujours pas reçu de réponses considérées comme satisfaisantes.

Un groupe de travail « sur les conditions de travail des collaborateurs parlementaires » a néanmoins été mis en place, et a débouché fin 2017 sur 19 propositions. La douzième envisage d’« assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, incluant l’égalité salariale », et annonce des mesures pour l’année 2018.

Simon Cottin-Marx (avec la rédaction)

Notes

[1Quelques collaborateurs ont également déclaré être rémunéré au forfait journalier. Ils n’ont pas été inclus dans les données prises en compte.

[2D’après l’Observatoire des inégalités, qui se fonde sur une étude du ministère du Travail, les femmes touchent 12,8 % de moins « à temps de travail et métiers équivalents ». Mais « si l’on tient compte des différences de tranches d’âge, de type de contrat, de temps de travail, de secteur d’activité et de taille d’entreprise, environ 10,5 % d’écart de salaire demeure inexpliqué selon les données du ministère du Travail ». En équivalent temps plein, mais cette fois tous métiers confondus, « les hommes perçoivent, toujours selon l’Observatoire des inégalités, en moyenne, un salaire supérieur de 22,8 % à celui des femmes ».