Justice

Mort d’un jeune dans un fourgon de police : trois longues années d’impunité

Justice

par Eros Sana

Interpellé le 17 juin 2007, un jeune Parisien, Lamine Dieng, meurt d’une crise cardiaque dans un fourgon de police. Depuis trois ans, sa famille et ses amis réclament la vérité sur ce décès plus que suspect. En vain.

« En France le racisme anti-noir tue. Stop à l’impunité. » 150 personnes ont défilé ce 17 juin dans la rue des Amandiers, qui traverse l’un des quartiers populaires du 20e arrondissement de la capitale. Le quartier où a grandi Lamine Dieng. Le quartier où il est mort lors d’une intervention de la police. Lamine a vingt-cinq ans, ce dimanche 17 juin 2007 à l’aube. La police est appelée pour tapage nocturne à l’angle de la rue de la Bidassoa et de la rue Orfila. Les policiers tombent sur Lamine, seul et non armé. Les huit « gardiens de la paix » présents l’interpellent violemment.

Après l’avoir plaqué au sol, ils attachent ses pieds et menottent ses poignets, bras dans le dos. Les policiers le transportent dans le fourgon de police. C’est là, sur le plancher du fourgon, que quatre agents compriment son thorax, respectivement agenouillés sur son épaule droite, son épaule gauche, son dos et ses jambes maintenues, repliées en arrière. C’est ce que révèlera le rapport d’autopsie. Car le jeune homme ne sortira pas vivant du fourgon.

Mort naturelle entre quatre policiers…

C’est cette mort que refusent d’oublier la famille de Lamine, ses amis d’enfance et les membres du comité de soutien regroupant des habitants. C’est cette injustice qu’ils continuent à dénoncer, inlassablement. « La famille a été prévenue 36 heures après son décès et a pu voir le corps seulement le 19 Juin, soit 58 heures après. En deux jours seulement l’IGS (Inspection Générale des Services, ndlr) a conclu que Lamine était mort naturellement d’un arrêt cardiaque », rappelle, mégaphone en main, la sœur de Lamine Dieng, avec fermeté et dignité.

Sous la banderole, une série de noms est égrenée. Autant de morts causées directement ou indirectement par une interpellation policière : Sydney Manoka Nzeza, mort en novembre 1988 à Tourcoing d’une « compression thoracique » après une interpellation par cinq policiers, Xavier Dhem, mort en mai 2002 d’une balle tirée dans la tête par un policier à Dammarie-Les-Lys, Abou Bakary Tandia, mort en 2005 d’une « décompensation viscérale » après avoir été interpellé…

La plainte contre X de la famille n’a toujours pas débouché sur une instruction. Mais celle-ci se mobilise toujours, en quête de témoins. Lorsque le cortège arrive là où Lamine est décédé, sa sœur réitère par mégaphone une demande aux habitants alentours accoudés à leur fenêtre : « Madame, monsieur, si vous avez la moindre information, si vous avez vu la moindre chose, n’hésitez pas à nous contacter ». Depuis trois ans, des affiches d’appel à témoin sont régulièrement collées dans le quartier.

Une minute de silence est respectée en mémoire de Lamine. Son père entame une prière, puis prend la parole pour son fils. Il demande la vérité : « Non pas pour Lamine seulement, qui ne reviendra plus, mais pour que d’autres enfants ne meurent pas à leur tour dans de telles conditions inacceptables ».

Eros Sana