Médias libres

Les médias indépendants soutiennent Envoyé spécial et Complément d’enquête

Médias libres

par Ivan du Roy

[Mise à jour à 13h30] : France Télévisions vient d’annoncer, ce 28 novembre, que seulement trois postes de journalistes, au lieu des vingt évoqués, seraient supprimés au sein des magazine Envoyé spécial et Complément d’enquête. « Dans un contexte budgétaire contraint, l’entreprise réaffirme que l’information est la première priorité du service public et veillera en 2018 comme au-delà à préserver son offre, son indépendance et sa qualité », communique Yannick Letranchant, le directeur de l’information [1]. A suivre...


La direction de France Télévisions a décidé de réduire drastiquement les moyens alloués à ses deux magazines d’investigation, Envoyé spécial, présenté par Elise Lucet, et Complément d’enquête, présenté par Thomas Sotto, diffusés par France 2. Sur les 26 journalistes en charge de mener les enquêtes et les reportages pour ces émissions, seuls six seraient maintenus en poste, selon les équipes de ces magazines. Leur travail risque d’être externalisé vers des sociétés de production extérieures, suscitant des inquiétudes sur la qualité, l’indépendance éditoriale et le rythme de ces magazines. La direction a ensuite annoncé vouloir limiter à trois, au lieu de 20, ces suppressions de poste et d’accorder à l’information « la première priorité du service public ». Cette menace sur l’investigation est la conséquence des coupes budgétaires de 50 millions d’euros annoncées par le gouvernement fin septembre.

Les deux magazines réalisent pourtant des audiences très honorables : plus de deux millions de téléspectateurs pour Envoyé spécial – jusqu’à 5,4 millions pour le reportage consacré à une enquête sur Pénélope Fillon début février 2017 – et environ un million pour Complément d’enquête, diffusé après 23h. Les journalistes Tristan Waleckx et Matthieu Renier ont même obtenu en juillet dernier le prix Albert-Londres pour leur enquête « Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien », diffusé par France 2. Une enquête qui leur a valu d’être attaqués en justice par le groupe Bolloré et une société dont il est actionnaire en France et au Cameroun.

Pour de nombreux journalistes, cette réduction brutale des moyens signifierait la fin de la mission d’investigation de France Télévisions, et la disparition des rares espaces encore consacrés aux enquêtes journalistiques à la télévision depuis la reprise en main de Canal+. Et ce, dans un contexte où plus de la moitié des audiences télé sont réalisées par des chaînes appartenant à de grands intérêts industriels privés (lire ici).

« C’est avec stupéfaction que nous avons appris que la direction de France Télévisions a l’intention de réduire drastiquement les budgets et le nombre des journalistes des deux émissions d’investigation, Complément d’enquête et Envoyé spécial », estiment plusieurs médias indépendants, dont Basta! (avec Alternatives économiques, Arrêt sur images, Le Bondy Blog, Causette, L’Accent bourguignon, Les Jours, Marsactu, Mediapart, Politis, Reporterre, Street Press, VoxEurop, XXI).

« Ce projet, qui vise les très rares lieux sur les chaînes de télévision où un journalisme soucieux de l’intérêt général et indépendant des pouvoirs peut pleinement assurer sa mission d’information, est un mauvais coup porté à la démocratie. Nous, médias indépendants, assurons les équipes de Complément d’enquête et d’ Envoyé spécial de notre soutien, et exigeons le retrait du projet de réduire leurs moyens de travail. » Un compte twitter « Touche pas mon info » a été lancé pour soutenir les deux magazines.